lundi 1 décembre 2008

De l'enfance à la délinquance

J’ai tout d’abord été éducatrice de jeunes enfants, puis maintenant je suis éducatrice à la Protection Judiciaire de la Jeunesse où j’ai pu connaître différents postes : en foyer, en milieu ouvert ou encore en quartier des mineurs en prison. Le travail en détention et le contexte général durant l’exercice de cette mission, ont constitué un élément déclencheur pour moi d’une réflexion en profondeur sur ma pratique professionnelle et plus largement sur l’éducation en général.

Je me souviens de mon choc quand j’ai vu sortir des cellules des jeunes de 13 et 14 ans, la situation avait quelque chose de surnaturel tant le décalage entre leur âge, leur développement encore d’enfant, était incohérent avec le couloir de la détention.
Je me rappelle les jeunes enfants en crèche avec leurs yeux qui pétillent, leur émerveillement devant chaque petite découverte de la journée, leur envie de faire : la vie qui déborde. Comment une dizaine d’année plus tard cette énergie de vie a-t-elle disparu pour faire place à la révolte, à la dépression, au désespoir ?
Avec ce constat humain douloureux je dois accompagner les adolescents dans leur réinsertion dans un contexte qui rend cette mission impossible pour des raisons que je tenterai de développer.
Les jeunes les plus démunis posent les vraies questions « je ne veux pas grandir, je ne veux pas devenir adulte... pour faire quoi ? » ou encore « Le travail y’en a pas, je ne veux pas faire une formation, je gagne de l’argent à ma manière et tant pis si je retourne en prison... »
Les adolescents difficiles, comme on les appelle, témoignent de leur mal-être. Dans cette période charnière entre l’enfance et l’âge adulte, où la sensibilité et l’ouverture de cœur sont encore présentes, où l’on découvre le monde et les questions existentielles ; les jeunes sont face à un gouffre que vient combler, tout naturellement, l’argent.
A partir du symptôme social que représentent les adolescents délinquants, incarcérés ou pas, je touche la nécessité de remettre en question les fondements de l’éducation actuelle et donc nos valeurs communes de vie.

Notre société fonctionne selon la logique individuelle et collective de l’avoir, du pouvoir et du paraître. Nous sommes tous soumis à la logique de l’intérêt et à la mentalité d’arriviste, impliquant un comportement égoïste, égocentrique et cela à tous les niveaux de la société.
A l’heure de la mondialisation, dès le plus jeune âge, l’enfant est éduqué, formaté en consommateur. La consommation est aussi psychologique, psychique, en n’éveillant ni à la créativité ni à la responsabilité individuelle tant au niveau intellectuel, affectif que matériel.
Ainsi, le système scolaire est devenu vecteur d’endoctrinement, excitant l’avoir, la compétition... On n’apprend pas aux enfants à développer leurs capacités propres, mais on les oriente en fonction des besoins économiques définis. Et tous ceux qui ne suivent pas passent dans la classe supérieure au bénéfice de l’âge, sont en échec, posent problèmes et sont exclus...
Les adolescent délinquants sont en quelque sortent victime d’un système qui les a conditionnés, marginalisés et exclus. Mais ils demeurent inconsciemment identifiés aux exigences de ce système.
Soit j’essaie de les faire, malgré tout, rentrer dans les règles du jeu initial : une stratégie de compétition et de profit qui leur laisse peu de chance car beaucoup sont trop « déstructurés » ou marginalisés vis-à-vis des codes en vigueur pour y parvenir ; soit ils font leur chemin sur les mêmes valeurs mais par l’économie parallèle, la délinquance.
Alors j’en arrive à la question fondamentale pour l’exercice de mon métier : c’est quoi éduquer ? Se questionner sur ce qu’est « l’éducation » c’est se questionner tout d’abord sur le sens de l’existence, qu’est-ce qu’on fait sur terre, au-delà de l’approche religieuse, dépassée pour certains, source de conflit pour d’autres. Il y a une réalité commune à tous qu’est la condition humaine : on naît puis on meurt et entre les deux, on fait quoi ? Qu’est-ce que le sens de l’existence humaine ? C’est là tout le fondement d’une société, d’une humanité. Sans savoir à quoi sert l’existence, peut-on savoir comment organiser et structurer une société ?
Soit on se situe dans une logique de profit et d’intérêt, donc d’avidité et de compétition, soit on se situe dans une logique désintéressée, de partage dans le respect de la vie en soi et autour de soi. Ainsi on poserait les bases d’une société complètement différente dans sa logique d’approche et donc dans son organisation sociale, lui donnant un sens autre que la recherche de pouvoir, d’argent et de profit.
Si dès la naissance, on a le souci de préserver chez l’enfant sa perception intuitive et de l’éduquer dans le respect et l’éveil à son identité profonde, c’est-à-dire son humanité, il apprendra à évoluer et à décider de ses actes au regard de sa propre autorité intérieure. On n’est plus alors dans un rapport de contrainte mais on accompagne l’individualité dans son aspiration légitime à la liberté et la responsabilité.
On demande aux jurés d’assises de décider en leur âme et conscience. Apprenons-nous aux enfants à décider de leurs choix en se référant à leur conscience ? Qu’est devenue la Sagesse, issue de l’expérience millénaire de l’humanité, référence présente dans toutes les cultures ? Elle demeure encore dans les contes, dans quelques films, mais elle a disparu du monde réel... de notre quotidien.
La Justice ne peut être réduite à une machine à condamner et faire exécuter les peines. Symbolisée par les plateaux de la balance en équilibre, elle ne peut jouer son rôle -de veiller et de permettre d’améliorer le contexte social dans son ensemble- que si la société reconnaît l’équilibre et l’épanouissement individuel comme fondement de l’équilibre et de la paix sociale.
Entre missions professionnelles, convictions personnelles et réalités de terrain, l’adéquation est complexe voire impossible. Pourtant, lorsque dans le quotidien de mon métier, je parviens vraiment à instaurer un contact avec un adolescent en difficulté ou délinquant, à l’extérieur ou en détention, lorsque l’on partage une parole authentique, que je vois un vrai sourire, je sais que tout est encore possible mais pour cela un changement collectif, radical, de mentalité s’impose.
Geneviève

Pour que vivent les écoles maternelles

Vous tous qui avez des enfants en bas-âge, des enfants qui sont ados, des enfants qui ont eux-mêmes des enfants maintenant, vous savez combien l'école maternelle est un lieu vital d'épanouissement et d'éducation pour les premières années de la vie.
Tous les pays étrangers, qui n'ont pour structures de petite enfance que des "Jardins d'enfants", des garderies municipales ou privées, nous envient notre école maternelle où la pédagogie est adaptée à l'enfant dès la petite section.
Or pour des raisons d'économies budgétaires, le gouvernement français menace de supprimer les petites et moyennes sections des écoles maternelles au profit de garderies municipales ou privées, où les enfants seraient sous la garde de personnels titulaires du CAP petite Enfance (2 ans après le BEPC) et non plus encadrés par des enseignants qualifiés (5 ans après le BAC).Ainsi on sacrifie les plus jeunes et ensuite on criera à l'échec scolaire et social !

Alors pour défendre l'école maternelle française publique, laïque et gratuite pour tous, signez la pétition mise en ligne par l'Association Générale des Enseignants des Ecoles Maternelles (AGEEM) :

http://marnesia.free.fr/phpPetitions/index.php?petition=2

Les trois axes de la marchandisation scolaire

par Nico Hirtt
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Depuis la fin des années 80, les systèmes éducatifs des pays industrialisés sont soumis à un feu roulant de critiques et de réformes : décentralisations, déréglementations, autonomie croissante des établissements scolaires, allègement et dérégulation des programmes, « approche par les compétences », diminution du nombre d’heures de cours pour les élèves, partenariats avec le monde de l’entreprise, introduction massive des TIC, stimulation de l’enseignement privé et payant. Il ne s’agit pas là de lubies personnelles de quelques ministres ou d’un fait de hasard. La similitude des politiques éducatives menées dans l’ensemble du monde capitaliste globalisé ne laisse planer aucun doute quant à l’existence de puissants déterminants communs, impulsant ces politiques. La thèse soutenue ici est que ces mutations sont le fait d’une mise en adéquation profonde de l’École avec les nouvelles exigences de l’économie capitaliste...

mardi 18 novembre 2008

Paroles d'enfants

Comment un enfant élevé dans le bruit, les sollicitations extérieures incessantes, le matraquage publicitaire et les injonctions éducatives diverses et variées pourrait-il devenir un être conscient, libre et responsable ?

Pour moi, la condition première à l’exercice de la citoyenneté est la prise de recul, la connexion en soi à ce qui est au-delà du temps, des modes, des cultures, à cette dimension atemporelle et universelle que l’on ignore aujourd’hui jusqu’au point de la nier et qui pourtant permet d’être authentique et solidaire. Et comment mieux accéder à cet espace de liberté intérieure, sans faire intervenir les concepts, les dogmes ou les croyances, autrement qu’à travers le silence ?

Il y a quelque chose de magique qui s’instaure lorsqu’une collectivité d’enfants (ou d’adultes) se tient, d’un commun accord, calme, immobile, les yeux fermés (ou ouverts) pendant quelques minutes ou même seulement quelques secondes. Tous face au mystère de la vie en soi, le mental baissant la garde de son orgueil dans le silence partagé. Quand on ré-ouvre les yeux ou que l’on se remet en action, un recul s’est opéré, on y voit plus clair, on relativise les situations vécues, on peut sentir ce que l’on a à faire ou pas. L’enfant exprime alors des paroles justes pleines de sens, de compréhension et de bienveillance. Il trouve son équilibre et contribue à mettre de l’harmonie dans l’espace social dans lequel il évolue.

Voici quelques phrases glanées auprès d’élèves de CP (6-7 ans) avec lesquels j’ai pratiqué un temps de silence en début de journée et à chaque fois que le besoin s’en faisait sentir pour calmer l’agitation ou aider un enfant au comportement difficile à se reprendre :

-J’avais froid et cela m’a réchauffé le cœur.
-Ça me fait toujours la même chose : j’y vois sombre et après j’y vois plus clair.
-Je suis comme dans mon lit.
-Mon cœur s’est ouvert.
-Ça m’a bien réveillé.
-Ça m’a beaucoup éveillé.
-J’ai senti mon cœur s’agrandir de plus en plus.
-J’ai senti mon cœur s’agrandir encore plus.
-Ça m’a donné envie d’être sage.
-Ça me fait quelque chose de doux.
-Ça m’a beaucoup relaxé.
-J’étais à l’aise.
- l’autre jour, mon papa (ou ma maman) était énervé(e), je lui ai fait faire le silence.
-Mon cœur m’a dit quelque chose d’important : si on est gentil avec les autres, il arrive des choses gentilles dans sa vie. Si on n’est pas gentil, il nous arrive des méchantes choses.
-Ça me donne des choses nouvelles comme : aimer tout le monde.
-Mon cœur m’a dit que j’allais respecter mon cœur et ça m’a reposé.
-Si on n’aime pas son cœur, on n’aime personne.
-Il faut faire l’harmonie, l’harmonie c’est quand on est tous ensemble et que l’on s’entend bien.
-Tellement ça m’a relaxé que j’avais les larmes aux yeux !
-Tellement que j’étais heureux, j’avais l’impression d’être allongé dans l’air !

Une étape est franchie quand les enfants intègrent la pratique du silence chez eux, dans leur quotidien, sans qu’il y ait besoin de le leur suggérer. Voici des témoignages d’enfants de CM2 (10-11 ans) :

-J’étais sur mon cheval, je n’arrivais pas à le guider, je me suis centrée et c’est allé mieux…
-Je n’arrivais pas à m’endormir, j’ai fait la relaxation.
-L’autre jour Sarah était à la maison, elle était toute excitée et l’on se disputait. Je lui ai apporté une chaise et je lui ai dit de faire l’exercice de la maîtresse… Sarah : Je l’ai fait et après on ne s’est plus disputé.
-Ma maman garde des petits enfants et elle n’aime pas quand ils sont excités avant de partir à l’école, je leur fais faire le silence avant de partir, je ne sais pas si je fais bien mais ça les calme.

Il est évident que ce genre de petit exercice que Maria Montessori appelait « la leçon de silence » n’est qu’un point de départ pour instaurer une autre humanité. Tout est à revoir de fond en comble, mais dans une journée d’école le silence constitue pour moi un axe autour duquel peuvent se greffer d’autres pratiques respectueuses de la liberté de conscience de l’enfant.

Diane

jeudi 13 novembre 2008

Lettre d'un instituteur à son inspecteur

Colomiers, le 6 novembre 2008

Monsieur l'Inspecteur,

Je vous écris cette lettre car aujourd'hui, en conscience, je ne puis plus me taire ! En conscience, je refuse d'obéir.

Depuis un an, au nom des indispensables réformes, un processus négatif de déconstruction de l'Education Nationale s'est engagé qui désespère de plus en plus d'enseignants. Dans la plus grande précipitation, sans aucune concertation digne de ce nom, au mépris de l'opinion des enseignants qui sont pourtant les « experts » du quotidien sur le terrain, les annonces médiatiques de « réformes » de l'école se succèdent, suscitant tantôt de l'inquiétude, tantôt de la colère, et surtout beaucoup de désenchantement et de découragement. La méthode est détestable. Elle témoigne de beaucoup de mépris et d'arrogance vis-à-vis de ceux qui sont les premiers concernés. La qualité d'une réforme se juge autant par son contenu que par la façon dont est elle est préparée, expliquée et mise en oeuvre. L'Education Nationale n'est pas l'armée ! Il n'y a pas d'un côté ceux qui décident et d'un autre côté ceux qui exécutent ! L'honneur de notre métier est aussi de faire œuvre de raison, de critique et de jugement.

Aujourd'hui, la coupe est pleine ! Le démantèlement pensé et organisé de l'Education Nationale n'est plus à démontrer tant les mesures décidées et imposées par ce gouvernement l'attestent au grand jour : des milliers de suppressions de postes qui aggravent une situation d'enseignement déjà difficile, la diminution du volume horaire hebdomadaire, la préférence accordée à la semaine de 4 jours, pourtant dénoncée par tous les chronobiologistes, l'alourdissement des programmes scolaires malgré une rhétorique qui prétend le contraire, la suppression des IUFM, la disparition annoncée des RASED alors qu'aucun bilan de leur action n'a été réalisé, la réaffectation dans les classes des enseignants travaillant pour les associations complémentaires de l'école, ce qui mettra à bas grand nombre de projets éducatifs dont l'utilité n'est plus à démontrer, la mise en place d'une agence chargée du remplacement avec l'utilisation de vacataires, la création des EPEP où les parents et les enseignants seront minoritaires dans le Conseil d'Administration, la dévalorisation du métier d'enseignant dans les écoles maternelles et les menaces qui pèsent sur celles-ci, la liste est longue des renoncements, des coupes franches et finalement des mauvais coups portés à notre système éducatif. Sans compter, ce qui m'est le plus insupportable, l'insistance à dénoncer le soit disant « pédagogisme », c'est-à-dire les mouvements pédagogiques qui, depuis des décennies, apportent des réponses innovantes, crédibles, raisonnables à l'échec scolaire.

Le démantèlement des fondements de l'Education Nationale est un processus que je ne peux accepter sans réagir. L'objet de ma lettre est de vous informer que je ne participerai pas à ce démantèlement. En conscience, je refuse de me prêter par ma collaboration active ou mon silence complice à la déconstruction d'un système, certes imparfait, mais qui a vocation à éduquer et instruire, à transmettre tout autant un « art de faire » qu'un « art de vivre », en donnant toutes ses chances à chaque élève, sans aucune distinction.

1. Les « nouveaux » programmes constituent une régression sans précédent. Ils tournent le dos à la pédagogie du projet qui permet aux élèves de s'impliquer dans les savoirs, de donner du sens à ce qu'ils font, de trouver des sources de motivation dans leur travail. Cette vision mécaniste et rétrograde des enseignements, qui privilégie l'apprentissage et la mémorisation, va certainement enfoncer les élèves en difficulté et accentuer l'échec scolaire. Ces programmes sont conçus pour pouvoir fournir des résultats « quantifiables, publiables et comparables » Or, « en éducation, tout n'est pas quantifiable, ni même évaluable en termes d'acquisitions immédiatement repérables ». (Philippe Meirieu). Nous sommes bien dans une logique d'entreprise et de libéralisation de l'école. Désormais, les enseignants seront évalués sur les progrès des acquis des élèves, c'est-à-dire sur la progression des résultats chiffrés. C'est notre liberté pédagogique qui est ainsi menacée. Dans la mesure où les programmes de 2002 n'ont fait l'objet d'aucune évaluation sérieuse et que d'autre part nous ne savons toujours pas qui a élaboré et rédigé les programmes 2008, d'ailleurs sans aucune concertation digne de ce nom, nous sommes en présence d'un déni de démocratie et de pédagogie. Pour toutes ces raisons, je considère que ces programmes sont totalement illégitimes. C'est pourquoi en conscience, j'ai décidé de ne pas les appliquer et de continuer à travailler dans l'esprit des programmes de 2002.


2. Tout particulièrement, je refuse de m'inscrire dans la logique d'une « Instruction morale et civique » aux relents passéistes. C'est une insulte faite aux enseignants et aux élèves de penser que l'inscription d'une règle de morale au tableau, apprise par cœur par les élèves, fera changer un tant soit peu leur comportement ! Aujourd'hui, plus que jamais nous avons besoin de mettre en place dans nos classes des dispositifs qui offrent aux élèves la possibilité de se connaître, de se rencontrer, d'échanger, de se respecter. Nous avons besoin d'une éducation au vivre ensemble, car si nous ne le faisons pas, qui le fera ? L'éducation citoyenne est l'un des piliers de l'école pour construire une société ouverte, démocratique et libérée de l'emprise de la violence. La priorité aujourd'hui est d'apprendre aux élèves à se respecter, à réguler positivement les inévitables conflits du quotidien par la parole, la coopération, la médiation. Aujourd'hui, comme hier, en conscience, j'ai fait le choix d'une éducation citoyenne qui permette aux élèves de découvrir leur potentiel créatif et émotionnel au service du mieux vivre ensemble.


3. La réduction du volume horaire de la semaine scolaire de 26h à 24h apporte des bouleversements tels dans l'organisation des écoles, qu'il faut aujourd'hui parler de désorganisation structurelle. Le dispositif d'aide personnalisée pour « les élèves en difficulté » n'est qu'un prétexte démagogique pour supprimer les RASED. Ce dispositif porte un coup fatal à la crédibilité du métier d'enseignant. En effet, de nombreuses expériences pédagogiques d'hier et d'aujourd'hui ont montré et montrent que la difficulté scolaire se traite avec efficacité avec l'ensemble du groupe-classe, dans des dynamiques de coopération, de tutorat, de travail différencié, d'ateliers de besoin, etc. Le dispositif actuel considère que la difficulté doit être traitée de façon « médicale », avec un remède individuel, en dehors de toute motivation et de tout projet de classe. C'est une grave erreur. Ce dispositif est une faute contre l'esprit et la pédagogie. Dès la rentrée, en conscience, je n'appliquerai pas ce dispositif d'aide personnalisée tel qu'il est actuellement organisé. Ces deux heures seront mises à profit pour mener à bien un projet théâtre avec tous les élèves de la classe, répartis en demi-groupe, le mardi et le vendredi de 15h30 à 16h30, ceci avec l'accord des parents.


4. Les stages de remise à niveau pendant les vacances scolaires à destination des élèves de CM1 et CM2 sont eux aussi des dispositifs scandaleux et démagogiques destinés à caresser l'opinion publique dans le sens du poil. Mis en place sous le motif populiste qu'il est anormal que seuls les riches peuvent se payer des heures de soutien scolaire (dixit notre ministre), ces stages dont certains ne seront pas animés par des enseignants, ne règleront en rien l'échec scolaire. Ils sont destinés à appâter les enseignants qui souhaitent effectuer des heures supplémentaires avec bonne conscience, alors que dans le même temps des milliers de postes sont supprimés, aggravant ainsi les conditions de travail dans les écoles. Parce que je respecte profondément les élèves qui ont des difficultés et leurs parents et que je suis persuadé que ce dispositif est néfaste, je continuerai à refuser de transmettre des listes d'élèves pour les stages de remise à niveau.

5. La loi sur le service minimum d'accueil dans les écoles les jours de grève n'est pas autre chose qu'une loi de remise en question des modalités d'application du droit de grève. Il est demandé aux enseignants de se déclarer gréviste 48h avant la grève afin que ce service minimum d'accueil puisse se mettre en place. Ce qui signifie clairement que les enseignants doivent collaborer à la remise en cause du droit de grève ! On ne saurait être plus cynique ! La commune de Colomiers ayant décidé de ne pas organiser ce service minimum d'accueil les jours de grève, il devient inutile de se déclarer 48h avant. En conscience, je ne me déclarerai pas gréviste à l'administration et j'informerai les parents trois jours avant de mon intention de faire grève.

Dans son dernier ouvrage, « Pédagogie : le devoir de résister », Philippe Meirieu écrit : « Nous avons le devoir de résister : résister, à notre échelle et partout où c'est possible, à tout ce qui humilie, assujettit et sépare. Pour transmettre ce qui grandit, libère et réunit. Notre liberté pédagogique, c'est celle de la pédagogie de la liberté. […] Nous n'avons rien à lâcher sur ces principes pédagogiques. Car ils ne relèvent pas de choix passagers de majorités politiques, mais bien de ce qui fonde, en deçà de toutes les circulaires et de toutes les réformes, le métier de professeur dans une société démocratique.

Et devant les errances de la modernité, le professeur n'a rien à rabattre de ses ambitions, bien au contraire… Face à la dictature de l'immédiateté, il doit travailler sur la temporalité. Quand, partout, on exalte la pulsion, il doit permettre l'émergence du désir. Contre les rapports de force institués, il doit promouvoir la recherche de la vérité et du bien commun. Pour contrecarrer la marchandisation de notre monde, il doit défendre le partage de la culture. Afin d'éviter la sélection par l'échec, il doit incarner l'exigence pour tous.

Personne ne prétend que la tâche est facile. Elle requiert détermination et inventivité. Echanges, solidarité et travail en équipe. Elle exige du courage. Et la force de nager à contre-courant. Il ne faut pas avoir peur de la marginalité. Car, plus que jamais et selon la belle formule de Jean-Luc Godard, « c'est la marge qui tient la page. »

Si aujourd'hui je décide d'entrer en résistance et même en désobéissance, c'est par nécessité. Pour faire ce métier, il est important de le faire avec conviction et motivation. C'est parce que je ne pourrais plus concilier liberté pédagogique, plaisir d'enseigner et esprit de responsabilité qu'il est de mon devoir de refuser d'appliquer ces mesures que je dénonce. Je fais ce choix en pleine connaissance des risques que je prends, mais surtout dans l'espérance que cette résistance portera ces fruits. J'espère que, collectivement, nous empêcherons la mise en œuvre de ces prétendues réformes. Cette action est une action constructive car dans le même temps il s'agit aussi de mettre en place des alternatives pédagogiques concrètes, raisonnables et efficaces.

Monsieur l'Inspecteur, vous l'avez compris, cette lettre n'est pas dirigée contre vous, ni votre fonction, mais je me dois de vous l'adresser et de la faire connaître. Le propre de l'esprit responsable est d'agir à visage découvert, sans faux-fuyant, en assumant les risques inhérents à cette action. C'est ce que je fais aujourd'hui.

Je vous prie de recevoir, Monsieur l'Inspecteur, l'assurance de mes sentiments déterminés et respectueux.


Alain REFALO
Professeur des écoles
Ecole Jules Ferry, Colomiers (31)

Laissez-moi devenir ce que je choisis d'être

Extrait de "Mon utopie" par Albert Jacquard

L’actualité apporte plutôt des exemples d’enfermement dans la logique sécuritaire. Le plus inquiétant est donné par les recherches en vue de dépister le plus tôt possible les enfants « à risque », c’est-à-dire susceptibles de devenir des délinquants. Dès l’école maternelle, quelques experts seront chargés de cette détection qui permettra de surveiller avec une particulière attention les individus potentiellement dangereux, ou même de les soumettre préventivement à des traitements médicaux. Ainsi l’ordre sera préservé.
C’est exactement la société que prévoyait Aldous Huxley dans son roman Le Meilleur des mondes, une humanité où chacun serait défini, catalogué, mis aux normes. Le concept même de personne autonome, capable d’exercer sa liberté, disparaîtrait. Un des aspects les plus insupportables de ce projet, tel qu’il a été présenté par la presse, est l’établissement d’un document qui suivra le jeune au long de sa scolarité : inscrit dans un registre ou sur un disque d’ordinateur, ce document, avatar du casier judiciaire, permettra, au moindre incident, d’exhumer son passé. S’il est pris à dix-sept ans à faire l’école buissonnière ou à taguer un mur du lycée, ce comportement pourra être rapproché de son instabilité caractérielle déjà notée au cours préparatoire. Cet enfermement dans un destin imposé par le regard des autres est intolérable, il est une atteinte à ce qu’il y a de plus précieux dans l’aventure humaine : la possibilité de devenir autre.
Notre parcours n’est pas déjà écrit, demain n’existe pas. A chacun de le faire advenir. Laissons la prédestination à quelques théologiens, soyons conscients et aidons les autres à devenir conscients qu’en face de nous la page est blanche.
J’ai raconté au début de ce livre comment, passant durant l’Occupation sans livret scolaire d’un lycée à un autre, j’ai saisi au bond l’occasion de changer la définition que les autres donnaient de moi. J’en ai gardé la conviction que la liberté de chacun ne peut s’épanouir que si la société ne possède pas trop d’informations sur lui. « Je suis celui que l’on me croit », dit un personnage de Pirandello. Mieux encore serait : « Laissez-moi devenir ce que je choisis d’être. »

Non à l'éducation biométrique

Des citoyens, parents d’élèves et organisations français dénoncent la mise en place de bornes biométriques dans certains établissements scolaires de l’Hérault où des machines destinées à reconnaître le contour de la main conditionnent l’accès des enfants aux cantines scolaires.

Nous, citoyens, parents d’élèves, organisations signataires de ce texte, dénonçons la mise en place de bornes biométriques dans certains établissements scolaires de l’Hérault où des machines destinées à reconnaître le contour de la main conditionnent l’accès des enfants aux cantines scolaires.
En dépossédant les enfants de l’usage de leur nom patronymique, cette technique réduit dangereusement l’identité de chacun à un simple code basé sur l’enregistrement d’une particularité physique. Par ailleurs, nous nous interrogeons sur l’utilité de ces bornes pour le bien-être des élèves et sur leur place dans le projet pédagogique. L’argument de la sécurité, de l’efficacité, mis en avant par les établissements, ne nous semble pas évident, bien au contraire.
Nos craintes sont décuplées par les liens éventuels de ces fichiers biométriques avec les autres fichiers utilisés dans l’Éducation nationale (Base-élèves pour le primaire, Sconet pour le secondaire), de même qu’avec les autres outils dits de surveillance, telles les caméras de vidéo. Les entreprises commercialisant les logiciels biométriques argumentent d’ailleurs sur la possibilité de croiser les fichiers de présence, de notes et de comportement avec celui de la cantine. Dans le cadre de la loi de prévention de la délinquance, ces données détenues par l’éducation nationale peuvent être partagées, entre autres, avec les services de police, les collectivités territoriales (mairies, conseil généraux), les organismes publics ou para-publics (CAF, bailleurs sociaux).
De plus, l’annonce récente du fichage des enfants de plus de 13 ans via le fichier Edvige 2ème version montre bien qu’une politique globale de fichage de la population est en cours, dans la continuité du fichier de police STIC dans lequel 25 millions de français sont enregistrés.
Pour nous l’éducation doit permettre l’épanouissement des enfants, dans le respect de leur intégrité physique et morale. L’école a pour mission d’éduquer à l’exercice de la liberté et non pas d’habituer les enfants à un contrôle social permanent. Les rapports humains, qui sont le propre d’une vie en société n’ont pas à être subordonnés au rapport à la machine.
Nous nous sommes donc réunis en collectif pour dénoncer et combattre l’installation de bornes biométriques dans les communautés éducatives.

Nous appelons les familles partout où les bornes biométriques ont été installées à refuser que leurs enfants utilisent ce genre de dispositif et qu’un système de remplacement soit mis en place, comme le prévoit la déclaration unique de la CNIL n° AU-009 d’avril 2006.

Vous invitons toutes les personnes préoccupées par ces questions-là à prendre contact avec le collectif qui apporte son soutien aux diverses initiatives de refus déjà en cours.

Le 3 octobre 2008, [Collectif « Non à l’éducation biométrique »], Citoyens, parents, organisations membres du collectif : Attac Cœur d’Hérault, CGA (Coordination des Groupes Anarchistes), CGT-SGPEN, CNT Éducation Santé-social 34, CUAL Montpellier, FCPE 34, FSU, Groupe Décroissance de Montpellier, LCR, LDH (Ligue des Droits de l’Homme et du citoyen), le MAI, SAF (Syndicat des Avocats de France), SM (Syndicat de la Magistrature), SUD-Education 34, UD CGT 34.

Contact : nonaleducationbiometrique@gmail.com

Main basse sur l'école publique

« Main basse sur l'école publique «

Un livre d'Eddy Khaldi et Muriel Fitoussi :
Xavier Darcos veut-il démanteler l'école publique ? Oui, répondent les auteurs d'un livre paru chez Demopolis.

Pour l'enseignant Eddy Khaldi et la journaliste Muriel Fitoussi, l'actuel ministre de l'Education nationale entend saper les bases de l'école publique républicaine et pousser peu à peu classes moyennes et supérieures vers le privé. Leur livre, "Main basse sur l'école publique", est, malheureusement, aussi étayé que convaincant.

Les auteurs se sont penchés sur la généalogie des idées qui marquent ce gouvernement, en matière d'éducation nationale. Celles-ci vont puiser dans un vivier idéologiquement marqué, qui emprunte aussi bien au Club de l'Horloge (extrême-droite) qu'à l'Opus Dei.

Catholiques conservateurs et droite ultra-libérale se sont rejoints, expliquent Eddy Khaldi et Muriel Fitoussi, pour prôner "le chèque éducation" (aux Etats-Unis, "school voucher"): un coupon donné à l'école de son choix. L'école remet le coupon au gouvernement, qui le convertit en argent. On se doute des conséquences d'une telle mesure : appauvrissement de l'école publique, enrichissement des écoles privées les plus prisées, baisse générale du niveau des enseignants, fin de toute mixité sociale.

Xavier Darcos s'est bien gardé, expliquent les auteurs, d'appliquer d'emblée une mesure si brutale. Pour affaiblir l'école publique et préparer les esprits, mieux vaut avancer masqué. Il s'agit d'abord, martèle le gouvernement, de faire des économies. Sans guère susciter de réaction, deux heures d'enseignement ont ainsi été supprimées cette année dans le primaire (le samedi matin). Suppression également de 11.200 postes d'enseignants dans l'Education nationale (13.500 prévus l'an prochain). Détail rarement souligné, mais relevé par nos auteurs (pages 69 et 78) : le gouvernement a ôté, en proportion, moins de postes dans le privé (les enseignants des écoles sous contrat sont payés par l'Etat), que dans le secteur public.

Insidieusement, l'argent public s'oriente de plus en plus vers l'enseignement privé, en particulier catholique. Et le mouvement ne date pas d'aujourd'hui : la loi sur la décentralisation du 13 août 2004 "impose aux communes de contribuer aux frais de scolarité des élèves qui résident sur leur territoire et sont inscrits dans une école privée située sur une autre commune". Une loi impulsée par Jean-Pierre Raffarin qui aurait prononcé en juin 1994, devant des personnels d'établissement catholique de Poitou-Charentes, cette phrase ahurissante : "Je ne serai pas le complice du développement de l'enseignement public" (page 142).

Autre concession de taille à la droite la plus réactionnaire : la suppression des IUFM, dénoncés depuis longtemps par celle-ci comme un nid de "pédagogistes" malfaisants. "L'économie réalisée par une telle opération se chiffre à près de 30.000 emplois de stagiaires, le volet IUFM du budget de l'éducation nationale étant purement et simplement supprimé, puisque la formation dispensée aux élèves-professeurs ne serait plus rémunérée". Conséquence incroyable : l'enseignement devient le seul métier qui ne nécessite pas de formation spécifique.

A ranger dans le même rayon, la pseudo-suppression de la carte scolaire. Comme il est difficile de pousser les murs, lycées et collèges publics cotés n'accueillent pas plus d'enfants. L'annonce gouvernementale d'"aménagement" de la carte scolaire a surtout multiplié les parents déçus, qui se sont rabattus (quand ils ont pu) sur les lycées et les collèges privés. Une déception qui ne doit rien au hasard : si l'on en croit les auteurs du livre, tel était le but de la manœuvre. "Devant le naufrage annoncé et comme précipité de l'Education nationale, ... l'école privée, bien que porteuse de ségrégation sociale, est en passe de devenir le nouvel eldorado de familles séduites par les slogans des marchands d'école, à longueur de palmarès et d'articles élogieux que, pourtant les statistiques officielles démentent."

Autant lire au plus vite cet ouvrage salutaire qui met en garde l'ensemble des parents contre l'asphyxie programmée de l'école républicaine. Certes, celle-ci ne saurait être exempte de critique et ne parvient pas toujours à mener à bien toutes ses missions. Mais elle tente de le faire, avec de moins en moins de moyens. L'école publique est encore un lieu de mixité sociale, et elle est seule à garantir un enseignement laïc, gratuit et obligatoire. Un héritage républicain en voie de liquidation.

http://culture.france2.fr/livres/essais/46682721-fr.php -> "Main basse sur l'école publique" Eddy Khaldi et Muriel Fitoussi (Demopolis, 20 euros) Ce livre a déjà fait l'objet d'articles dans Le Monde diplomatique de septembre 2008 , Charlie hebdo n° 845 et Le Monde du 29 août 2008 , Le Canard Enchainé du 10 septembre 2008.

Les bases spirituelles de l'éducation

Par Rudolf Steiner

On dirait volontiers : amener justement l'enfant à développer en lui-même et de la façon juste des impulsions morales, c'est là la question la plus importante et la plus grande de l'éducation. Mais nous ne lui communiquons pas d'impulsions morales si nous lui donnons des ordres : c'est cela que tu dois faire, ce doit être ainsi, c'est bien ainsi - et si nous voulons, en faisant appel à son intellect, lui démontrer que c'est bien ainsi. Ou bien en lui disant encore : ceci est mauvais, c'est mal, tu ne dois pas le faire - et en lui démontrant que c'est mal. L'attitude de l'être humain vis-à-vis du bien et du mal, de l'ordre moral universel, doit s'éveiller d'abord. Et cet éveil n'a lieu que lorsqu'avec la puberté le système rythmique a accompli sa tâche essentielle en vue de l'évolution de l'être et que l'intellect est alors mûr pour se déployer complètement. C'est alors seulement que les impulsions morales justes se manifestent dans l'être humain avec la force nécessaire, lorsque, ayant atteint la bonne maturité, il ressent la satisfaction intérieure de pouvoir se former un jugement moral devant l'existence elle-même. II ne s'agit pas de transmettre des jugements moraux, mais de cultiver les germes d'où naîtront les forces morales individuelles. On ne doit pas inoculer à l'enfant de jugement moral. On doit le préparer de telle façon que lorsque, à la puberté, la pleine faculté de jugement s'éveille, il puisse se former lui-même son propre jugement en observant la vie. C'est ce dont on reste le plus éloigné lorsqu'on transmet à l'enfant un commandement tout fait.
On y parvient, par contre, en agissant par l'exemple ou en lui montrant des exemples. Qu'on donne à l'enfant des images du bien en lui décrivant des êtres qui ont été bons ou le sont encore ou grâce à une imagination qui sache modeler des êtres bons. Ainsi le système rythmique participe en l'enfant à l’appréhension du bien. L'enfant ressent des sentiments fluant et refluant, dont les vibrations se prolongent subtilement dans le système rythmique. Et parce qu'à cette phase de la vie le système rythmique est en lui particulièrement actif, il développe le goût du bien et le dégoût du mal. Il n'est pas fait appel à l'intellect, mais à la sympathie envers le bien dont l'image se présente à son âme, et à l'antipathie envers le mal.
Son âme est alors préparée de telle façon que le jugement affectif peut plus tard, lorsqu'il grandit, mûrir pour devenir un jugement intellectuel. Ce qui importe, ce n’est pas d'inculquer le « tu dois», mais d'éveiller en l'enfant un jugement esthétique, si bien que le bien lui plaît, lui est sympathique et qu'il ressent vis-à-vis du mal du déplaisir, de l'antipathie, lorsque sa sensibilité perçoit les faits d'ordre moral.
II v a une grande différence entre ce comportement et l'action exercée sur l'intellect par des formules de commandement abstraites, qui parleront plus tard à l'enfant lorsqu'il aura dépassé l'âge où l'on est éduqué, lorsqu'il sera déjà un homme qui reçoit les leçons de la vie. En l'organisation humaine, quelque chose s'étiole lorsque l'être n'est pas préparé à ressentir au bon moment la satisfaction intérieure que lui procure l’éveil de sa force morale. Si l'on procède autrement que comme il vient d'être exposé, il ne s'éveillera pas à la réalité morale et ne pourra avoir à l'âge correspondant qu'un souvenir abstrait de ces commandements moraux valables pour d'autres. L'enfant y est correctement préparé pendant la période de sa vie que domine le rythme lorsqu'on l'amène à ressentir un plaisir esthétique devant le bien, un dégoût devant le mal, car c'est dans cette sensibilité que réside le germe à partir duquel se développeront les facultés intellectuelles. Un jugement intellectuel développé directement est comme une fleur qu'on a coupée de sa tige et de sa racine.
Lorsque, après la puberté, l'enfant s'éveille en ne disposant que des jugements moraux intellectuels tout faits dont il a un souvenir, il se sent intérieurement comme devenu esclave. I1 ne se le dit peut-être pas, mais il lui manque pour le reste de sa vie cette expérience si importante qui s exprime par un sentiment assourdi : la réalité morale a été éveillée en moi par la vie; j'ai développé moi-même en moi le jugement moral, il est mien.

Source : Extrait du livre "Les bases spirituelles de l'éducation", Editions TRIADES Poche
http://www.editions-triades.com/

Respect et coopération pour un apprentissage de la citoyenneté

Je rejoins les propositions de Béatrice qui a un fonctionnement assez proche du mien : je pense en effet que le meilleur moyen de faire comprendre ce que c'est « être citoyen responsable » c'est d'exercer , au moins en partie, cette fonction . Pour ça, les pistes sont nombreuses quand on veut bien se donner la peine d'y réfléchir :
- il existe effectivement de nombreuses pistes pédagogiques qui permettent aux enfants d'exercer leur esprit critique et de faire des propositions réfléchies ( il ne s'agit pas seulement de critiquer ou dénoncer , mais de proposer autre chose) : ça commence par des conseils d'enfants dans la classe où l'on discute de ce qui ne va pas et de ce que l'on peut améliorer ( mais attention, il ne s'agit pas d' un bureau des plaintes, mais d'un espace de décision : on ne discute que de ce qui concerne au moins une partie de la classe, on ne change de sujet que quand on a trouvé une solution collective que la majorité accepte) ; on propose des projets et on se donne les moyens d'y arriver ( y compris la recherche de solutions financières si nécessaire ). ce sont les élèves eux-même qui président, distribuent la parole , et l'attitude des enfants, dans ces conseils qui les concernent directement , est significative : ils sont dignes, respectueux les uns des autres, et souvent plus attentifs qu'en classe ! Et ils ont plein de bonnes idées qu'ils accomplissent d'autant plus facilement que ça vient d'eux ! ( c'est reposant pour la maîtresse !)
- En classe toujours, j'utilise aussi un outil de l'OCCE ( Office de la Coopération à l'Ecole, qui d'ailleurs propose une réflexion et des actions qui souvent vont dans le sens dont nous parlons ) : l'agenda coopératif qui propose des activités pour développer l'estime de soi de chacun, qui est essentielle : quelque soit l'espace de liberté que vous proposez aux enfants, ils ne pourront en prendre possession que s' ils ont suffisamment confiance en eux.
- D'autres opérations à l'extérieur de la classe peuvent effectivement permettre de développer des attitudes citoyennes et constructives : parlement des enfants, semaine de la presse, concours d'écriture ... mais plus que l'opération elle-même, c'est la façon dont on l'aborde avec les enfants qui est importante. Les enfants sont au maximum acteurs, donc responsables du bon déroulement et de la réussite de leur projet . C'est à dire qu'ils sont impliqués . Le projet est collectif, les risques sont partagés mais personne n'est porté, chacun a son rôle et le tout dépend de la réussite de chacun . Quand les enfants se sentent responsables de leur projet ( y compris leur projet d'apprentissage, car n'oublions pas que nous sommes à l'école) , ils progressent ( on en revient au principe de liberté : « on n'apprend rien sans motivation ») .
- En classe, les enfants( de CM) sont responsables d'une tâche à la semaine . Ils sont aussi médiateurs auprès des petits dans la cour , ils ont des droits supplémentaires s'ils respectent bien la règle et se montrent responsables; ils sont aussi responsables de leur travail, ont des contrats à remplir ... bref, ils sont mis en position d'acteurs, pas de récepteurs . Quand des enfants ont du mal à respecter la règle, on les aide et on les conseille, on les encourage avant de les sanctionner . (la loi est fondatrice, c'est à dire que nul ne peut s'y opposer, ...y compris la maîtresse ). La sanction n'est pas absente ( dans la société non plus) mais elle est au maximum dans une logique de réparation de la faute .
Enfin le respect est fondamental : j'ai le droit de ne pas être d'accord, mais il m'est interdit de l'exprimer violemment, et je ne peux rien exiger sous la contrainte quelle qu'elle soit : menaces, chantages, promesses, sinon ce n'est pas valable.

Bref, je n'ai rien inventé, j'ai lu les ouvrages d'un certain nombre de pédagogues, je fais « ma sauce » avec ces apports, mes convictions, les « ordres » du ministère ( dans lesquels je fais aussi mes propres choix, que j'assume pleinement, mais toujours ce que je pense être dans l'intérêt de l'enfant avant tout ). Ce n'est pas toujours simple mais quand on parvient à appliquer (tant bien que mal, nous avons nous aussi nos contradictions ...) cette façon d'agir, d'enseigner, on arrive à avoir des enfants heureux de venir, d'apprendre, de s'investir, d'être là. Bien sûr, ce n'est pas gagné à tous les coups, bien sûr ça demande du travail et de l'humilité, mais quel bonheur quand un gamin qu'on croyait « éteint » se remet à pétiller !

Isabelle

Pour une école démocratique et citoyenne

Je suis enseignante en CM2. Je suis extrêmement vigilante à ce que les élèves de ma classe ne deviennent pas des moutons, ne soient pas des enfants que l'on gave... Je considère ma classe non pas comme un groupe d'élèves mais comme une société démocratique avec ses droits et ses devoirs.
Je ne me considère pas uniquement comme un transmetteur de savoir mais aussi comme une éducatrice. Malheureusement, éduquer pour beaucoup signifie seulement apprendre à dire "bonjour", "merci".
Selon moi, éduquer dans une classe, c'est apprendre aux élèves à vivre en collectivité, à coopérer, à respecter les autres, leur parole, leurs différences, à devenir eux-mêmes...
Je crois qu'effectivement on leur communique parfois des idées, des valeurs différentes de celles de la maison, de la société... Je m'interroge parfois sur mon action : est-ce que je suis un guide ou est-ce que je transmets mes valeurs, est-ce que je les impose ? Finalement, je crois qu'il est bon aussi de faire partager d'autres valeurs, d'aller à l'encontre de ce que propose la société. On est dans un monde où l’on expulse des gens, où l’on est en compétition permanente, où il faut écraser le voisin pour réussir, où tout va vite... Je n'ai pas peur ni honte de parler de racisme, de leur demander de coopérer, de s'entraider, de prendre le temps..., d'aller donc à l'encontre de la société.
Il est vrai qu'il faut faire le deuil de tout modifier, de tout transformer mais je sais que même si certains de mes élèves vivent dans un milieu où les valeurs, les discours sont opposés à ce que je pense et dis, ils auront entendu autre chose et ils pourront peut-être un jour faire un choix, se positionner...
Jaurès disait: "on n'enseigne pas ce que l'on sait, mais on enseigne ce que l'on est." Je crois très fort à cela.
En ce qui concerne les outils plus concrets :

* je pose le cadre en premier lieu. Je travaille donc la loi, le règlement intérieur de l'école ; nous construisons le règlement de la classe en termes de droit et de devoir. Ce cadre est pour moi essentiel car il est garant de la sécurité, du respect... Ce cadre vit tout au long de l'année. Je reprends par le débat les entorses au règlement. Je suis persuadée que ce n'est pas en répétant des maximes que l'on intègre les notions de Loi, de droit et de devoir mais en vivant la démocratie. Vivre la démocratie pour des élèves, c'est être dans une classe où l’on peut faire des choix, où l'on a des devoirs mais aussi des droits. On en vient donc au deuxième impératif qui pour moi est la parole :

* Les élèves ont le droit de s'exprimer, de proposer des projets, de participer à la vie de la classe, de faire des choix, de ne pas être d'accord. Il y a dans la classe du non négociable (venir ou pas à l'école, ne pas respecter les autres...) mais aussi du négociable. Cela passe par des conseils d'élèves une fois par semaine, par des débats philosophiques, par la pédagogie de la coopération, par la pédagogie institutionnelle.

Je participe à de nombreux projets qui me permettent d'éduquer les élèves et de leur permettre de devenir des citoyens éclairés (du moins je l'espère) : venue de personnes handicapées dans la classe, semaine de la presse et éducation à l'image, participation à un conseil municipal des enfants... Je saisis toutes ces occasions.
Je suis donc à l'encontre de ce que proposent les nouveaux programmes mais je l'assume et je le revendique. Je me moque de ne pas satisfaire la société (et au contraire, je n'ai pas à le faire selon moi, vu l'état de la société actuelle qui laisse des milliers de gens au bord du chemin). Quant aux parents avec lesquels je communique beaucoup par le biais de rencontres, de mots explicatifs de mes projets... ils acceptent une telle pédagogie.
J'ai souhaité donner mon point de vue car il me paraît essentiel de lutter pour conserver une école de qualité. J'ai livré mes idées un peu en vrac comme elles me venaient: j'espère que je suis malgré tout claire et lisible. J'ai tenté de donner quelques outils concrets mais il est difficile de tout dire en un message.
Je revendique le fait de faire dans ma classe ce que certains appellent du "pédagogisme" et je me reconnais aussi dans le travaux de Meirieu mais aussi Oury, Freinet... qui ne peuvent que se retourner dans leurs tombes.

Béatrice

APPEL A TEMOIGNAGES

Dans cette rubrique sont mis en ligne des témoignages qui proposent des pistes éducatives concrètes aux acteurs qui souhaitent aller dans un autre sens que celui dicté par la société actuelle.
Pour nous faire partager votre expérience écrivez à : r.i.r.e@orange .fr

lundi 27 octobre 2008

Sur la liberté et l'éveil des consciences

Question n°3 :
"Je viens de lire votre lettre ouverte à laquelle j'adhère globalement. Derrière les orientations générales de la réforme de l'école, que l'on peut associer à toutes les coupes sombres prévisibles , on ressent effectivement une volonté de gommer la liberté de penser, l'esprit critique, la diversité ... l'enfant est réduit à un sac qu'on remplirait de "bonnes choses" réutilisables évidemment ultérieurement sur le marché du travail.. point besoin pour cela de psychologie ( exit donc les rased) ni de pédagogie (exit les iufm, Philippe Merieu et ses collègues "pédagogistes" ..) ... Mais contrairement à ce que vous dites : "Le respect de soi-même et d’autrui, le sens des responsabilités, la solidarité... ne sont pas des notions que l’on peut inculquer à l’enfant de manière formelle et intellectuelle. Ce sont des dispositions naturelles qui se développent et perdurent lorsque l’on protège la pureté de conscience de l’enfant.", il me semble qu'il faut au contraire éduquer cet esprit critique, ce sens des responsabilité, ce respect d'autrui et de soi -même, car il n'est pas forcément naturel ni inné. La pratique du débat, des activités coopératives , peuvent par exemple y contribuer . Il nous faut donc, à mon avis, lutter activement à éveiller la conscience des jeunes sans quoi le monde risque effectivement de devenir celui que souhaitent secrètement nos dirigeant actuels ..."
IL
Réponse du comité de consultation du R.I.R.E. :

Éveiller les consciences, voilà bien tout l’enjeu de l’éducation ! Que doit-on entendre par l'esprit critique, le sens des responsabilités, le respect d’autrui et de soi-même?

Si l’esprit critique et le sens des responsabilités doivent être envisagés uniquement sous l’angle d’une idéologie, d’une croyance ou d’une manière de pensée préétablie, alors l’individu dans son unicité qui constitue le socle même de la démocratie n’a plus sa place. Une démocratie authentique ne saurait exister sans prendre en compte la diversité des compétences et des points de vue de chaque citoyen. Si par contre, il s’agit d’éveiller le sens critique individuel, la façon de procéder devrait immanquablement se démarquer de toute tentative d’inculquer des valeurs ou des schémas de pensée préétablis, afin que l’homme ne devienne pas un automate qui réagit en fonction d’automatismes préconçus, mais plutôt un être autonome qui pense et agit suivant ce qu’il sent dans l’instant, dans le respect de la liberté d’autrui.

La liberté de conscience individuelle demande donc à être reconnue et protégée pour que chacun puisse se référer à lui-même et être seul responsable de ses choix. L’absence de responsabilité que l’on constate à tous les niveaux aujourd’hui (des dirigeants jusqu’aux simples citoyens) est due à l’uniformisation de la pensée par l’éducation. Ce qui amène chacun à faire comme tout le monde ; et lorsqu’on agit comme tout le monde, on ne se sent plus personnellement responsable.

Les êtres humains pourraient-ils tous « naître libres et égaux en dignité et en droits » s’ils n'étaient pas dès le départ dotés d'une conscience pure et claire ? Une étude récente publiée dans la revue Nature (1) a révélé que les bébés sont dotés d’une conscience morale innée qui leur permet de distinguer le bien du mal dès l’âge de six mois. Or, sous prétexte de transmettre un savoir –certes légitime-, la société formate l'enfant en tentant de le plier à des valeurs et des références extérieures qui, le plus souvent, entrent en totale contradiction avec les directives venant de sa propre conscience intérieure. Il se trouve ainsi déchiré entre ce qu’il ressent profondément et ce que la société lui impose. La confusion s’installe en lui ; tout choix s’avère difficile et l’esprit critique est impossible. Nous sommes à une époque –ne nous voilons pas la face- où l’individu est désemparé et ne sait plus « à quel saint se vouer ». Dans de telles circonstances, se montrer responsable est une véritable gageure !

C’est en ce sens qu’un travail d’éveil des consciences, comme vous le soulignez, est impératif ! Aider l’individu, par une éducation appropriée, à préserver ou à retrouver en lui cette conscience innée et pure du départ, qui a été voilée ou étouffée par tout ce qu’on a mis par-dessus. C’est en redécouvrant la claire vision du cœur -sa sensibilité- que l’homme peut réellement se forger une éthique individuelle, faire preuve de discernement, exercer sa capacité à choisir et à assumer pleinement ses engagements. Dans cette optique, si l’éducation des enfants est indispensable, de même dans la société adulte, le vote lors des référendums pourrait être rendu obligatoire, comme cela l’est déjà en Belgique par exemple, afin de quitter cette apathie et cette mentalité de sujétion qui nous paralyse et nous empêche de prendre nos responsabilités et les engagements qui en découlent.

On confond bien souvent le sens moral avec la morale sociale, collectiviste, donnée purement extérieure provenant la plupart du temps des traditions, des coutumes et autres dogmes transmis de génération en génération. Sur cette base, la liberté, tout comme le sens moral, sont dévoyés et deviennent de simples attitudes conformistes que l’individu, par peur des autres et du « qu’en dira-t-on », se croit obligé de copier. Dès lors, comment respecter la liberté de conscience prônée dans la Déclaration universelle des droits de l’homme ?

Éduquer sans respecter cette liberté fondamentale, c’est formater, c’est manipuler au service d’intérêts étrangers à l’épanouissement de l’enfant, c’est lui dicter des comportements et des façons de penser stéréotypés qui lui permettront d’être reconnu et accepté. Cela constitue – on le voit – le vrai fondement du paraître, de l’hypocrisie, de la vanité, de toutes les formes de tromperie et de tricherie que l'on ne saurait confondre avec des attitudes sensées. Depuis des siècles, on mutile des générations entières pour engendrer des esclaves qui doivent s’adapter à la société de consommation, de compétition et de violence dans laquelle l’humanité a sombré au fil du temps.

C’est donc, en définitive, ce conditionnement extérieur et tout ce qui va avec (nos programmes éducatifs périmés et autres) qu’il faut épargner à l’enfant afin qu’il grandisse en s’éveillant à la conscience profonde, sacrée et innée, que lui a conférée la vie à sa naissance. L’enfant, en réalité, n’appartient à aucun système social, politique ou religieux ; il est une créature de la vie et doit être respecté en tant que tel, si toutefois les adultes que nous sommes, sont encore capables d'éprouver du respect pour la vie. Il est clair que les éducateurs portent une immense responsabilité envers les jeunes et l’humanité. C’est à eux qu'il revient, en premier lieu, d’aiguiser leur sens critique pour être à la hauteur de l’enjeu : voulons-nous inculquer aux enfants nos valeurs, nos références (qui ne nous rassurent même pas !) pour perpétuer nos fantasmes d’un monde où l’argent est roi ou préférons-nous les éduquer dans la liberté et l'autonomie et en faire des citoyens responsables dans une démocratie véritable ?

(1) Source : Nature, vol 450, nov. 2007
Réf. Le monde de l’enfance N°2 Janv. Fév. Mars 2008.

dimanche 19 octobre 2008

Dès six mois, les bébés distinguent le bien du mal

Les bébés seraient capables de distinguer au cours de leur première année une bonne et une mauvaise action.

Pour la première fois, une étude révèle que très précocement, les bébés sont capables de juger le comportement d’autrui. Karen Wynn, de l’Université de Yale, aux Etats-Unis, a montré à des bébés de six et dix mois des petites scènes de marionnettes. Un personnage (une figure géométrique en carton, colorée et avec deux gros yeux) tente de gravir une montagne avec difficulté. Dans certains cas, un personnage vient l’aider en le poussant, alors qu’à d’autres moments un autre personnage le gêne dans son ascension, et le fait tomber en bas de la montagne. Après le spectacle, les chercheurs ont présenté aux enfants la figurine « aidante » et la figurine « gênante » A dix mois, les bébés s’intéressent à la première et laissent la seconde. Résultat plus surprenant, cette préférence se trouve aussi chez les bébés de six mois. Dès cet âge, ils sont capables de distinguer les bonnes des mauvaises actions qu’ils observent, du moins dans des interactions entre jouets. Cette capacité préverbale participerait à la formation du sens moral. Il reste à comprendre précisément la manière dont se forme cette première preuve de jugement social. L’évolution aurait-elle doté l’espèce humaine d’un mécanisme de détection de l’altruisme, pour multiplier les chances de survie ?

Source : Nature, vol 450, nov. 2007
Réf. Le monde de l’enfance N°2 Janv. Fév. Mars 2008.

Ethique, morale et laïcité

Par Henri Pena-Ruiz :

"La morale, l'éthique, nous pouvons la construire à partir de l'humanité qui se rapporte à elle-même. Rien de ce qui est humain ne m'est étranger : tel pourrait être le principe d'une éthique, qui peut s'élever à l'universel, qui n'est ni religieux, ni athée, dès lors qu'elle atteint des valeurs. Des valeurs dont aucun homme n'a à considérer qu'elles sont contraires à son engagement spirituel. Prenons la liberté sexuelle. Est-elle contraire, lorsqu'elle est affirmée, à l'engagement spirituel ? Non. Parceque dans la liberté se trouve incluse la faculté de ne pas faire. Jamais les lois légalisant l'avortement, la contraception n'ont obligé des femmes chrétiennes à avoir recours à ces moyens. A l'inverse, lorsque, comme en Pologne, on réinterdit l'IVG, il s'agit d'une morale particulière qui s'impose à tous. On sait donc de quel côté se trouve l'universel !"

Extrait d'une conférence donnée pour la Libre Pensée le 9 mars 2003
Revue : "L'idée libre" n°262-263 3e et 4e trim.2003

mardi 16 septembre 2008

Trois entorses au bon sens

" Dans tous les domaines, le développement et le progrès passent par la recherche et l'innovation. Sauf dans l'enseignement. » […]
Par Antoine Prost

Un peu de silence

Pierre FAUBERT/ l’auteur est professeur et psychologue
Publié dans La Presse (2007 ?) Québec
nouvelles@lapresse.ca


Tenir une minute de silence en classe a même un effet positif sur les élèves en déficit d’attention.

Il y a trois ans, une élève de première secondaire (elle avait 10 ans !) me demanda de lire, au début de mes cours, un court texte qu’elle trouvait très beau J’ai considéré l’idée géniale et, pour que les mots du texte ne soient pas aussitôt oubliés, j’ai demandé aux élèves de la classe de conserver « une minute de silence » pour intérioriser le texte. Ce temps d’arrêt visait aussi à aider les élèves à prendre conscience de ce qui les habitait à ce moment-là.
Les découvertes de ce temps d’arrêt furent saisissantes. Sur le moment, il y a eu beaucoup de résistances de la part de certains élèves. Il y en avait même qui avaient peur de mourir durant ce silence…Mais finalement, ce fut un espace de découvertes profondes et insoupçonnées.
J’ai donc poursuivi cet exercice durant toute l’année. Les élèves ont même fini par me demander que nous prolongions la période de silence à deux minutes.
Devant les résultats intéressants et surprenants de ce temps de « silence » au début du cours, j’ai donc poursuivi cet exercice l’année suivante avec toutes mes classes de première et deuxième secondaire. Maintenant en cette troisième année, tous mes élèves de première, deuxième et troisième secondaire font leur « minute de silence » avant chaque cours.
Après chaque temps d’arrêt qui peut dans certaines classes, à la demande des élèves, durer jusqu’à quatre minutes, nous discutons de ce qui est venu à la conscience de chacun. Ces premières minutes peuvent parfois alimenter toute l’heure du cours.
Depuis que je fais cet exercice avec mes élèves, j’ai remarqué d’abord que les élèves dits perturbés ou en déficit d’attention ou hyperactifs deviennent plutôt attentifs, calmes et contribuent de manière agréable, créatrice et productive au déroulement du cours.
Ce silence, ou temps d’arrêt puisque le silence absolu n’existe pas, peut devenir une aide formidable autant pour les élèves que pour le professeur.
S’il m’arrive d’oublier ce temps d’arrêt, les élèves me le rappellent. Ils en ressentent le besoin, même si au tout début, ils pensaient que ça pouvait les faire mourir. Ces moments sont devenus pour mes élèves et moi une nécessité. Ça nous apaise et favorise la réflexion et l’apprentissage. C’est très agréable!
Essayez, vous verrez…

vendredi 8 août 2008

CONTACT

Pour tout commentaire, proposition, question, réflexion, ou pour recevoir les notifications des nouvelles publications, envoyer un mail à :
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Note : Les commentaires personnels ne sont pas publiés sur ce blog. Seules les synthèses des réflexions collectives paraissent dans les rubriques : Réflexions et Questions/Réponses , ainsi que les articles ou témoignages sélectionnés dans : Articles et Témoignages.

lundi 4 août 2008

Lettre ouverte au ministre de l'Education nationale

Le R.I.R.E. a rédigé une réponse à la "lettre aux éducateurs" que Nicolas Sarkozy avait adressée aux enseignants et aux éducateurs à la rentrée 2007.
http://www.elysee.fr/elysee/elysee.fr/francais/interventions/2007/septembre/lettre_aux_educateurs.79338.html ).

Monsieur le Ministre,

En tant qu’acteurs de l’éducation -enseignants et éducateurs réunis-, nous sommes plusieurs à nous interroger sur le contenu de la « Lettre aux éducateurs » que le Président de la République, Monsieur Sarkozy, nous a adressée en octobre dernier.

Ce discours nous interpelle d’autant plus que, bien que nous soyons les premiers concernés, nous sommes d’emblée évincés de cette réflexion qui décide, sans nous, du futur de l’éducation.

Dans une société qui se prétend démocratique, il semblerait logique que chaque citoyen, et à plus forte raison chaque membre du corps enseignant, soit consulté au préalable sur les grandes orientations qui forgent le destin de la nation et du monde en général. A défaut de consultation, nous vous livrons la synthèse de nos réflexions suite à cette lecture.

Derrière la largeur d’esprit affichée, les grands et beaux principes auxquels tout le monde peut adhérer, c’est l’idéologie mondialiste qui se profile en trame de fond, incompatible avec les notions de liberté, de justice, de beauté et de vérité développées par ailleurs.

Encore une fois, l’éducation des jeunes devient l’enjeu d’un formatage idéologique dont l’objectif d’ordre purement économique de « disposer d’une main d’œuvre bien formée » est froidement annoncé à l’avant-dernière page (p. 30).

Tout le reste du développement n’est que l’enrobage de cette triste réalité : on brade notre civilisation à des intérêts marchands. Nous allons vers une société d’esclavage économique à travers le monde de l’entreprise dont l’école devient le principal agent.

Dans un tel contexte, la « Renaissance » annoncée ressemble plutôt à une régression. De quel humanisme peut-on se prévaloir, de quelle science, lorsque l’on rabaisse l’être humain à l’état de bétail « producteur consommateur » ? Est-ce vraiment compatible avec les notions d’estime de soi et de respect auxquelles on se réfère à tout bout de champ ?

Il est tout à fait contradictoire de prétendre « éduquer » l’homme tout en faisant de lui l’instrument docile d’une manipulation qui le lance dans une course effrénée afin de posséder et de consommer toujours plus au seul profit du système qui l’exploite et l’étouffe.

La confusion des notions employées exprime bien cette contradiction fondamentale : confusion entre qualité et quantité, entre planétaire et universel, entre transmission des savoirs et éducation. L’instruction ferait de nous des hommes libres ! Force est de constater que le savoir en tant que pouvoir sur le monde, s’il n’est pas doublé d’une éducation appropriée qui ouvre à la sagesse, ne peut à lui seul apporter la liberté d’être et d’agir en âme et conscience au service du bien commun.

La liberté est une donnée inhérente à la nature humaine. Elle est la condition nécessaire pour devenir des hommes autonomes et responsables, des citoyens conscients, capables de réflexion et de sens critique.

Il est évident que l’on veut neutraliser dès l’enfance la référence spirituelle, intérieure et purement individuelle qu’est la conscience profonde sans laquelle la notion de liberté n’a aucun sens. Dans notre système éducatif actuel, nulle part n’est mentionné cet aspect sacré de la conscience, fondement de toutes les valeurs reconnues comme essentielles pour vivre en société de façon équilibrée.

Le respect de soi-même et d’autrui, le sens des responsabilités, la solidarité… ne sont pas des notions que l’on peut inculquer à l’enfant de manière formelle et intellectuelle. Ce sont des dispositions naturelles qui se développent et perdurent lorsque l’on protège la pureté de conscience de l’enfant. Pureté que l’on viole par des formatages de toutes sortes qui détournent la jeune conscience de sa référence intérieure et individuelle, en « lui inculquant ce que soi-même on croit juste, beau et vrai » (p. 4), c'est-à-dire en lui imposant ses propres croyances et les a priori engendrés par la conscience collective et largement répandus à travers la publicité et les médias.

« Promouvoir la diversité culturelle » (p. 15), « le métissage des savoirs, des cultures, des points de vue » (p. 17) sans éveiller au préalable l’enfant à sa propre réalité intérieure n’est pas du tout le chemin de l’universel dont parle le Président mais le chemin de l’instauration d’une dictature planétaire. L’actualité quotidienne nous démontre que l’unification de la planète par le libéralisme économique n’aboutit pas à la complémentarité et à la solidarité entre les individus. L’unité, l’harmonie entre les peuples, n’est pas le fruit du simple brassage des cultures et de la compétition économique, mais exige un profond changement des mentalités par une juste compréhension du but de l’existence qui ne saurait se limiter à des visées purement matérialistes et commerciales.

Or, dans ce discours, on n’en voit pas les prémices ; sous couvert de modernité et de progrès, on assiste plutôt à une régression, une rechute dans la mentalité archaïque du droit du plus fort, des rapports de force et de l’arrivisme personnel.

Dès lors, parler du spirituel et du sacré qui « accompagnent de toute éternité l’aventure humaine » (p. 13) est démagogique, voire malhonnête. D’ailleurs que doit-on entendre par là ? Que signifie « éveiller la conscience individuelle et la hausser par paliers jusqu’à la conscience universelle » (p. 14) ? S’agit-il de mettre en place une nouvelle religion au service du dieu Argent qui, dans la logique de la mondialisation/uniformisation, supplanterait toutes les autres ?

Après un siècle de laïcité, de tentative d’ouverture à tous, il est triste d’en arriver là ! Ce n’est pas d’une nouvelle religion dont nous avons besoin, mais de plus d’humanité et de respect de la personne humaine dans son individualité et sa spécificité.

Pensez-vous, Monsieur le Ministre, que la jeunesse actuelle, qui est bien informée de l’état du monde, soit prête à considérer que la dignité et le civisme résident dans sa soumission docile à un système inique d’exploitation au seul profit d’une petite minorité ?

Pour nous, l’éducation des enfants est indissociable de l’apprentissage de l’autonomie dans le plus total respect de la liberté de conscience. C’est dans cet espace que s’inscrit naturellement l’exigence de qualité et de compétence à laquelle chaque enfant aspire pour réaliser de façon équilibrée sa vie individuelle dans le contexte collectif qu’est la société.

En vous remerciant de l’attention que vous avez bien voulu porter à notre lettre, recevez, Monsieur le Ministre, nos salutations respectueuses.

liste des premiers signataires :
Annie MENOT (enseignante spécialisée RASED – Aubusson 23) Clotilde DURAND (éducatrice – Auzances 23) Monique COLLETTI (professeur des écoles – Biver 13) Chantal ESTIENNE (professeur des écoles – Biver 13) Maurice PERGNIER (professeur émérite université Paris XII) Claire PERGNIER (professeur à la retraite) Josiane BETTON (professeur gestion GRETA Haute Vienne) Valérie DEHAY (professeur de français – Aix-en-Provence 13) Claire SEGUIN (professeur d’histoire géographie – BdR 13) Christine LAIGNEAU (professeur de philosophie – Muret 31) Jean-Luc CARDINAUD (professeur de lettres – Muret 31) Roland QUILLIER (professeur d’EPS – Muret 31) Maryse ORTUNO (professeur certifié histoire géographie – Muret 31) Isabelle THEVENON (éducatrice spécialisée –St Moreil 23) Johan ISSELEE (professeur d’arts plastiques à la retraite) Nicole DUPRAT (institutrice – Tarascon 13) Martine PETER (éducatrice – Pertuis 84) Florence VERNEJOUL (professeur des écoles lycée français - San Francisco) Daniel DERIOT (éducateur – Paris) Yannick NASSOY (professeur d’anglais – Toulouse 31) Anny SIRE RICHARD (professeur de lettres modernes à la retraite) Matthieu BRABANT (professeur de maths sciences lycée professionnel –La Courneuve 93) Yves LEFEVRE (instituteur public à la retraite –Martinique) David PETER (professeur de musique – Aix-en-Provence 13) Jérôme JACOB (professeur génie chimique lycée professionnel –Marignane 13) Laurent ASTIER (professeur construction lycée professionnel –Marignane 13) José HARO (conseiller principal d’éducation lycée professionnel –Marignane 13) Christian BOUTELOUP (professeur MSMA lycée professionnel –Marignane 13) Magali HIDALGO (professeur lettres histoire lycée professionnel – Marignane 13) Nicole FERKADJI (professeur vie sociale et prof. lycée professionnel –Marignane 13) Alexandra NICOLLE (documentaliste lycée professionnel –Marignane 13) Monique GALICHET (conseillère principale éducation lycée professionnel –Marignane 13) Pierre DEZEUZE (professeur électrotechnique lycée professionnel –Marignane 13) Christian CHERON (professeur électrotechnique lycée professionnel –Marignane 13) Harbi MECHLOUF professeur lettres histoire lycée professionnel –Marignane 13) Corinne VIGGIANO (professeur lettres anglais lycée professionnel –Marignane 13) Janyne LOMBART (institutrice à la retraite) Monique DOUILLET (formatrice – St Martin Château 23) Sandra MESSINA (professeur des écoles - Eguilles 13) Diane COMBES (professeur des écoles - Eguilles 13) Brigitte HECQUET (professeur des écoles - Eguilles 13) Christine ROSTAIN (professeur des écoles - Eguilles 13) Isabelle DEDIEU (professeur des écoles – St Savournin 13) Hélène CATOIR (professeur des écoles – Gardanne 13) Roger BARTHE (Principal de collège à la retraite) Hubert JAUSSAUD (professeur construction lycée professionnel – Martigues 13) Emmanuelle MAZARELLO (enseignante collège – Roquevaire 13) Nathalie GOMEZ (professeur des écoles – Arles 13) France GIROUD (professeur des écoles – Arles 13) Pascale TOURRENC (professeur des écoles – La Fare-les-Oliviers 13) Alia ISSELEE (formatrice) M.Eugénie LORENZI (aide-soignante - La Ciotat 13) Morgane PUCCI (lycéenne - La Ciotat 13) Sandy RICHIARDONE (enseignante - Cabiès) 13) Carmen BERTAND (assistante sociale - Orléans 45) Virginie GAY (parent d'élèves - Mérinchal 23) Ghislaine VASSEUR (infimière - Guéret 23) Hervé LEPRETRE (animateur - Mérinchal 23) Blandine LEPRETRE (exploitante agricole - Mérinchal 23) Dominique MIRA (assistante sociale - Meyreuil 13) Simon MAGBENGA (fonctionnaire au PNUD -Lomé - Togo) Pierre GAY (éducateur sportif - Mérinchal 23) Boris DESFAUDES (professeur des écoles -BdR 13) Imelda SORZANA (parent d'élève - Eguilles 13) Véronique QUERBES (assistante commerciale - Eguilles 13) Karine CHAVAS (parent d'élève - Eguilles 13) Bernard ARNAUD Françoise PARTOLL (hôtesse de l'air) Isabelle LEROY (professeur des écoles - 29)
[...]
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Toute personne en accord avec les idées développées dans cette lettre est invitée à contacter le Réseau pour ajouter sa signature (nom, prénom, profession, lieu d'exercice) et/ou s'inscrire pour participer aux échanges.

Réponse de l'Elysée

Paris, le 14 avril 2008

PRÉSIDENCE
DE LA
RÉPUBLIQUE

Le Conseiller technique


Le Président de la République a pris connaissance avec intérêt de la « lettre ouverte » que vous avez adressée au ministre de l'Education nationale. Il m'a demandé, en ma qualité de conseiller technique en charge de l'éducation, de vous répondre.

J'avoue ne pas comprendre comment vous avez pu voir dans la Lettre aux éducateurs une façon de «brader notre civilisation à des intérêts marchands». Une telle lecture est si contraire à la lettre comme à l’esprit du texte qu'on serait presque conduit à douter de votre sincérité. Je ne veux pas toutefois céder à cette tentation et me bornerai à essayer de vous faire revenir à un jugement plus équilibré.

Le Chef de l'Etat ne confond nullement «transmission des savoirs » et « éducation ». Tout son propos consiste même à montrer la nécessité de ne pas réduire la mission de l'école à la simple instruction (laquelle est nécessaire, cependant) : voilà pourquoi il s'adresse à des « éducateurs » (parmi lesquels figurent naturellement, en première place, les professeurs) et non à de simples « instructeurs ». La mission de ces éducateurs est de former des jeunes épanouis et curieux, soucieux d’eux-mêmes et des autres. Elle est d'enseigner à nos enfants la liberté - tant il est vrai que cette dernière est toujours un accomplissement, fruit d'un long travail, et non un point de départ. Nous pouvons diverger sur les moyens nous permettant d'atteindre un tel idéal : mais non sur cet idéal même, me semble-t-il.

Je vous prie de croire, Madame, en l'assurance de ma meilleure considération.


Jean-Baptiste de Froment

Réaction à la réponse de l'Élysée

Monsieur le Président,

C’est avec stupéfaction que les membres du Réseau Informel de Réflexion sur l’Education ont pris connaissance de la réponse de votre Conseiller, monsieur Jean-Baptiste de Froment, à notre lettre ouverte au ministre de l’Education nationale rédigée suite à votre « Lettre aux éducateurs ».

En tant que citoyens responsables, nous refusons d’être traités en « demeurés », nous refusons que notre dignité soit bafouée par la mise en doute de notre sincérité ! Cette réaction est une insulte au travail collectif de réflexion d’une cinquantaine de personnes… qui, face à un monde en perdition, se préoccupent du sort de la jeunesse.

Si la « Lettre aux éducateurs » comportait déjà de nombreuses contradictions entre la tradition humaniste française et ce qui nous incombe désormais : « relever le défi de l’économie de la connaissance » (p. 7), la mise en œuvre, depuis, de la réforme éducative ne peut nous tromper !

On cherche à nous imposer un nouvel ordre éducatif mondial. L’économie européenne doit « devenir l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde… » (Rapport de la Commission européenne au Sommet de Lisbonne – mars 2000). La politique mondiale est claire : « L’éducation doit être considérée comme un service rendu au monde économique » annonce Peter Sutherland de l’OMC.

Les principes humanistes prônés dans la « Lettre aux éducateurs » : « Trop longtemps, la passivité de l’enfant qui reçoit le savoir fut de mise dans notre éducation (…). La culture véritable exige davantage que la récitation (…). Notre éducation doit devenir moins passive, moins mécanique. » (p. 20), ces principes sont complètement bafoués par la baisse des niveaux d’exigence, la diminution horaire des cours, la pédagogie de la docilité, de l’apprentissage par cœur et par automatisme qui caractérisent les nouveaux programmes de l’école primaire.

Les enquêtes internationales PIRLS et PISA avaient pourtant révélé que le décrochage des élèves français par rapport aux autres élèves des pays industrialisés ne tenait pas à leur capacité à apprendre par cœur ou à la somme des connaissances acquises, mais à leur incapacité à réfléchir sur ces connaissances et à être autonomes.

Mais comment s’étonner du manque d’esprit critique et d’autonomie de nos jeunes dès lors que l’on considère, à l’instar de votre Conseiller, la liberté comme « un accomplissement, fruit d’un long travail » !?

A-t-on perdu la raison ? En 2008, ne naissons-nous plus « libres et égaux en dignité et en droits » ? Comment pourrait-on enseigner la liberté ? La liberté est à la personnalité et à la conscience ce que l’air que l’on respire est au corps. Apprend-on pendant de longues années à respirer ? La liberté intrinsèque de l’homme serait-elle un danger pour le dogme néo-libéral au point que l’on tente, par tous les moyens, de l’assimiler à la soumission idéologique en arguant qu’il n’y aurait pas d’autre alternative ?

« Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité ». Article premier de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Est-ce un hasard si cette Déclaration fondamentale a été éliminée des programmes d’instruction civique de l’école primaire dans le nouveau projet… pour être ensuite réintégrée sous la pression des syndicats ?

La liberté ne s’apprend pas, elle se respecte ! Elle n’est ni un idéal, paravent commode pour donner l’illusion d’une liberté tout en promouvant son contraire, ni un concept philosophique sujet à controverses et polémiques mais une dimension intérieure de la conscience individuelle, une référence commune à tous. C’est dans la liberté que l’enfant trouve et développe son autonomie, découvre le sens des responsabilités et par là même, apprend la citoyenneté. L’éducation à la citoyenneté, nécessaire pour retrouver la cohésion sociale, dépasse bien entendu le simple respect des règles de politesse ainsi que le savoir dispensé dans les cours d’instruction civique.

L’idée qu’ « apprendre à lire, écrire et compter serait bien suffisant, est pour moi l’une des plus grandes marques du mépris » déclariez-vous, monsieur le Président, à la page 18 de la « Lettre aux éducateurs »… C’est pourquoi nous vous prions avec instance de prendre vous-même connaissance de notre Lettre ouverte au ministre de l’Education nationale (jointe à ce courrier) afin d’ouvrir un véritable dialogue !

Veuillez recevoir, monsieur le Président, l’expression de nos salutations respectueuses.

Badge




Nous avons conçu une planche de badges (nom du Réseau + devise : se responsabliser pour agir) que vous pouvez imprimer sur un bristol A4, découper suivant les marques et insérer dans des supports plastiques pour badges (format 60x40 mm) disponibles en papeterie.
Pour obtenir la maquette écrire à : r.i.r.e@orange.fr


L’éducation : par où commencer ?

Simon Magbenga
Lomé, janvier 2008

Je ne voudrais pas prétendre être un maître dans le domaine de l’éducation pour donner des leçons à qui que ce soit. Je suis seulement de ceux qui ont compris notre égarement collectif sur terre, ses causes profondes et de ce fait, se préoccupent de rechercher une nouvelle voie répondant mieux à la nature humaine, à son réel but, et non pas à nos égoïsmes destructeurs. Ma contribution ne saurait être qu’une approche, une proposition qu’il faudrait examiner à la lumière de ce qu’on en ressent, de son éventuelle cohérence, ou tout simplement à la lumière du bon sens. Je ne dis rien de nouveau ; bien d’autres avant moi l’ont su : on ne fait que se rappeler ce qui est en soi, ce qui ne peut être autrement. Je veux contribuer à l’effort collectif de ceux qui ont compris la nécessité de sécréter ensemble les bases d’une vraie société où l’homme se sentira enfin en paix, une société d’êtres humains responsables remplissant pleinement leur fonction à l’échelle de la vie universelle.

J’ai, dans un précédent article, montré (d’autres l’ont fait avant moi), que l’une des clefs essentielles de l’éveil de la conscience se trouve dans la contemplation de la beauté. Quelqu’un l’a déjà dit : « Seule la beauté sauvera le monde ».

L’écoute du silence, la contemplation, le sens de la beauté, l’esthétique… sont au cœur de l’éveil d’une conscience à la vie. La nature globale de la vie, un « tout vivant » visible et invisible, ne peut qu’échapper à toute approche mentale, laquelle reste limitée à la perception de ce qui est sensoriel et physique. Seule la contemplation qui implique toutes les dimensions de notre être, peut mener, du regard qui se perd parfois dans la multitude, à la conscience qui voit et perçoit la globalité de ce qui est présent…

« Science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». Ceci devrait servir de « phare », de guide, à ceux qui élaborent les programmes de l’éducation.

A la question : à quoi doit servir l’éducation ? Certains répondront sans hésiter : à connaître le monde et l’univers physique pour l’exploiter en vue de réaliser le bonheur de l’homme. D’autres diront plutôt : l’éducation doit éveiller l’homme à ce qu’il est, afin qu’il puisse s’accomplir et s’épanouir, en remplissant sa fonction par rapport à la vie.

Voilà pourquoi certains visent le savoir, la connaissance du monde physique ; tandis que d’autres placent l’homme avant tout.

La première voie nous a conduits à des prouesses dont nous sommes très fiers ; mais l’humanité qui en ressort est profondément désunie, malheureuse, et en guerre contre elle-même. Je n’ai pas besoin de vous décrire cette triste réalité humaine à laquelle on assiste chaque jour. La souffrance, de plus en plus grande qui en découle, suffit pour en convaincre beaucoup d’aller à la recherche d’une autre voie.

Essayons donc la deuxième, celle qui place l’homme avant tout, celle qui demande d’éveiller l’homme à lui-même afin qu’il puisse être le maître, et non l'esclave de son existence.

Celle-ci, me semble-t-il, commande de commencer l’éducation de l’enfant par tout ce qui l’éveille à la présence de la vie, en lui et autour de lui.

A cet effet, trois phases de l’éveil me paraissent nécessaires :

L’éducation de l’enfant devrait débuter par une première étape : l’éveil à la vie en soi. Les techniques, les outils ou les méthodes qui me semblent propices pour y parvenir seraient : l’écoute du silence, le recueillement, la contemplation, la beauté, le jeu (collectif surtout) comme première forme de socialisation…Il peut y en avoir d’autres. Tout ceci devrait avoir pour fonction d’aiguiser d’abord et avant tout : la perception de l’enfant à l’âge le plus tendre où l’être est le plus sensible. Cette étape pourrait être accompagnée par les premières notions du savoir et de l’expression : lecture, écriture, langage, dessin, calcul (dans le sens mathématique du terme).

Une deuxième étape serait, conjointement à l’éveil, l’apprentissage : Il s’agirait ici de renforcer l’éveil de la conscience de soi tout en amenant l’enfant, progressivement, à la maîtrise élémentaire des outils de l’existence terrestre et à l’initiation au savoir. En dehors des programmes pour l’acquisition du savoir, il y aurait lieu de développer surtout l’écoute de soi et des autres, l’expression, le sens de l’unité et de l’universalité, le sens de l’équilibre et de la paix… Cette étape devrait ouvrir à la maîtrise de soi en apprenant à rester conscient, à composer avec nos énergies et avec celles dans lesquelles l’on se meut.

Enfin, la troisième étape consisterait à renforcer et accomplir ce qui s’est éveillé dans les deux premières. Il s’agirait alors de mener l’adolescent à l’âge adulte, à l’autonomie et à la responsabilité. Faire de lui, non pas un saint, non pas un ange, non pas un superman… mais seulement un homme accompli et libre, conscient de sa fonction universelle et de sa responsabilité au sein d’une société humaine. Cela va sans dire qu’à cette étape l’individu devrait aussi maîtriser le savoir et les outils de l’existence humaine.

Il va de soi que cette nouvelle éducation à l’éveil de la conscience implique un autre état d’esprit que celui qui prévaut dans l’éducation actuelle. Je livre les quelques axes suivants, non pas comme vérités, mais comme éléments de réflexion :

-L’école et le maître ne peuvent plus avoir les mêmes fonctions. Un cadre d’éveil doit se substituer aux structures qui n’ont eu, jusqu’ici, qu’à diffuser et faire absorber la connaissance scientifique. Leurs très faibles aptitudes à réveiller en l’élève (ou l’étudiant) ses capacités intuitives les condamnent à disparaître. C’est simple à comprendre : l’humanité se trouve de plus en plus face à des problèmes nouveaux qu’elle n’arrive pas à résoudre à travers le savoir acquis. Seule l’ouverture de l’homme aux dimensions encore inconnues de la vie peut apporter les solutions qu’on attend. Le connu ne vient que de l’inconnu, ou si l’on veut, le savoir est le résultat de « l’exploration » ou de l’ouverture à l’inconnu. Et ceci ne devrait pas être réservé à une soi-disant élite pour la simple raison que chaque être humain, par sa conscience, a une ouverture sur l’inconnu ou l’inconscient.
Quant au maître, il devrait intégrer plutôt la fonction ou le rôle de compagnon. Sans toutefois rejeter la nécessité de l’autorité comme source de verticalité, le côté dirigiste de l’enseignant devrait céder la place à l’accompagnement dans l’éveil de l’autre à lui-même.

-L’incapacité du système politique et économique à absorber et à rendre utiles ceux qu’il forme dans ses écoles et universités s’explique de deux manières : l’esprit d’élitisme et l’égoïsme qui le caractérisent, par lesquels il rejette lui-même la plus grande partie de ses propres produits ; enfin, les limites du savoir qu’il élabore et diffuse ne permettent guère aux détenteurs de trouver une réponse à leur besoin de s’employer et d’intégrer leur place dans la société.

Ceci nous amène à dire que l’éducation ne devrait pas s’arrêter à la simple délivrance de la connaissance scientifique ; elle devrait aussi et surtout développer chez l’individu des aptitudes à l’autonomie lui permettant de réfléchir et de trouver par lui-même des réponses aux problèmes qu’il doit résoudre. Loin du formatage forcé qui la caractérise aujourd'hui et bouche en l’individu la perception des possibilités infinies qu’offre la vie, le condamnant à la paralysie et à l'impuissance, l’éducation devrait forger des individus libres, capables de libérer leurs énergies pour s’épanouir au lieu de produire des êtres dépendants, esclaves du système qui les a enfantés. Comptez le nombre de chômeurs qui sont pourtant sortis des universités et des grandes écoles. Il est navrant de voir dans les pays les plus pauvres de jeunes diplômés déambulant dans les rues parce qu’ils ne trouvent pas à s’employer.

-Par ailleurs, la conscience devrait être éveillée pour remplir sa réelle fonction qui est celle d’éclairer le savoir et l’action humaine. Si l’on assiste, paradoxalement, à tant de progrès techniques et à tant de ravages de l’environnement, c’est que l’utilisation que l’homme fait de la science est contraire aux lois fondamentales qui gouvernent la vie terrestre. Actuellement, on se rend compte, peu à peu, que la croissance des richesses ne justifie pas les menaces qu’on accumule sur la vie terrestre. On ne peut pas chercher à satisfaire ses besoins matériels en détruisant les bases de sa propre existence. Cette prise de conscience, très lente et aux prises avec les résistances de l’incompréhension, devrait être parachevée et concrétisée par l’éveil à la valeur primordiale de la vie. Ceci devrait constituer le leitmotiv de la nouvelle éducation, afin que les générations futures dépassent nos agissements actuels, source de périls, pour inscrire toutes leurs actions dans la logique de l’équilibre universel de la vie.

Voilà donc quelques éléments de réflexion que je soumets à l’attention de tous ceux qui se préoccupent de l’éveil de la conscience humaine et de la nécessité de jeter les bases indispensables pour son accomplissement. Ne rejetons pas notre responsabilité sur le dos de l’avenir, car demain n’existe pas. C’est aujourd’hui même, dans l’instant présent, que le monde se construit ou se détruit. Le nouveau monde est ici et maintenant, grâce à la perception de tous ceux qui savent lire en eux-mêmes l’action à accomplir pour l'avènement d'une nouvelle terre.

Education à la défense : une culture de guerre pour l’école

"Le protocole sur l’éducation à la défense signé le 31 janvier 2007 entre les ministres de la Défense, de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la recherche, fait l’objet d’une circulaire sur les actions à mettre en place dans les établissements scolaires (BO n° 32 du 13 septembre 2007). Cette circulaire a de quoi faire naître de légitimes inquiétudes." [...]
par Cardabelle

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Le marché du siècle : l’Education et la Formation


"Selon l’OCDE, les dépenses annuelles en faveur de l’enseignement de ses Etats membres s’élèvent à mille milliards de dollars. Quatre millions d’enseignants, 80 millions d’élèves et étudiants, 320 000 établissements scolaires (dont 5 000 universités et écoles supérieures de l’Union européenne) sont à présent dans la ligne de mire des marchands." [...]
par F.Legrand, (doctorant à l’IEP Lille)

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Quel sort pour l’éducation publique ?

"Une vaste réforme du secteur public d’éducation est en cours, orientée vers et par le marché..."
par Anny Paule

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Sur le lien entre individu et collectivité...

Question 2 :
"Je viens de lire la présentation de votre mouvement. Je vous avoue qu'une chose me gêne : l'absence de "collectivité" ou de communauté. Je sais que ces mots sont souvent associés à des groupes particuliers, plus ou moins intégristes. Mais en basant votre réflexion, apparemment, uniquement sur l'individualité (aussi importante soit-elle) ne risquez vous pas de mettre en avant l'individualisme qui caractérise la société ultra-libérale que vous dénoncez ? Ne faudrait-il pas ajouter à cette volonté de reconnaissance des individualités (se construire soi-même pour participer pleinement à la société), la reconnaissance d'un nécessaire "bien commun" ou "intérêt général" ?"
BD
Réponse du comité de consultation du R.I.R.E.:

Nous vous remercions de l’intérêt que vous portez à notre mouvement. Vos remarques sont pertinentes mais soulignent une confusion assez répandue autour des notions respectives d’individualité et d’individualisme, de collectivité et de collectivisme.

La conscience individuelle nous met en contact avec l’universel en soi qui est la racine commune à tous les hommes. S’y référer n’est pas servir uniquement ses désirs personnels, c’est respecter la loi de l’unité intérieure qui va se traduire par le fait de servir l’intérêt général à travers des actes inspirés et responsables. L’être humain intègre son individualité dans la mesure où il réalise son autonomie spirituelle, c’est-à-dire, agit selon cette conscience profonde et non plus selon des mots d’ordre imposés du dehors.

L’individualisme par contre est une tentative de réalisation personnelle, une forme d’égotisme qui demeure au niveau des couches subjectives du moi et n’atteint pas le domaine unitaire de la conscience.

De même que l’individualisme est une tentative de se relier à soi sur un plan subjectif, personnel et égotique, de même le collectivisme est une tentative de se relier aux autres sur ce même plan qui ne touche pas la globalité de l’ensemble. Tout comme l’égoïsme individuel, l’égoïsme collectif met en jeu des intérêts partisans, de clique et de clan, qui vont s’opposer à d’autres intérêts particuliers. Les collectivismes ou les communautarismes étouffent l’individualité et ne prennent pas en compte les besoins de l’ensemble. Ils font du peuple une masse manipulable par leurs leaders. Dans leur volonté d’hégémonie, ils sont toujours en conflit les uns avec les autres.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’individualité ne s’oppose pas au collectif, mais en est le fondement. Comme nous le soulignons dans notre présentation, l’équilibre de la société dépend de l’équilibre des individus qui la composent. La société n’est rien d’autre que le collectif humain formé par l’ensemble des individus. Ce qui s’y passe n’est que le reflet de ce qui se vit en chacun.

Dès lors, toute analyse sociale, politique ou économique n’a de pleine valeur que si l’on met l’épanouissement de l’individualité au centre du débat. La finalité de l’existence humaine ne se situe pas dans l’identification à un collectif ou à un autre, mais dans l’accomplissement de soi-même au service du collectif.