samedi 29 septembre 2012

L'enfant téflon


Analyse de Bernard Grimard, spécialiste incontournable des travaux de M. Daniel Kemp



Par Bernard Grimard


Le terme enfant téflon a été utilisé pour la première fois par M. Daniel Kemp, psychologue québécois, malheureusement aujourd'hui disparu. L'enfant téflon est un enfant sur qui rien ne colle (comme le téflon) : ni les punitions, ni le chantage, ni la politesse, ni les récompenses... il paraît sans coeur, égoïste, solitaire, "incassable", hyperactif et agressif. L'auteur nous donne ici un aperçu des travaux de Kemp. Nous disposons enfin d'une explication des symptômes qui se retrouvent de plus en plus chez les jeunes d'aujourd'hui.
Dans de plus en plus de foyers et d'écoles, des jeunes tiennent tête aux adultes.
Les efforts de la société pour contrer celte révolte de la jeunesse semblent insuffisants.
Plusieurs parents, professeurs, directeurs d'écoles et psychologues que j'ai rencontrés me disaient que le problème avait une telle envergure qu'aucune solution ne semblait applicable.
C'est vrai que le problème est considérable. Mais il y a des solutions.


L'école se moque des enfants
De nombreux parents veulent communiquer avec leurs enfants, mais ne peuvent s'empêcher de crier sans cesse. Ils forcent leurs enfants à devenir ce qu'eux-mêmes auraient voulu être.
D'autres s'en servent comme moyen de vivre l'affectivité qu'ils n'ont pas eu ou pour passer celle qu'ils ont en trop.
Dans des compétitions sportives, il n'est pas rare de voir un adulte, un père souvent, engueuler son enfant parce qu'il a perdu un match.
Une grande partie du milieu scolaire se fout éperdument du jeune et n'a qu'un objectif : travailler sur le jeune jusqu'à ce qu'il se déforme suffisamment pour s'intégrer dans notre monde d'adultes.
On appelle cela l'éducation. Il y a toujours des exceptions, mais , en général, le système scolaire est dirigé par des adultes et conçu en fonction de ce que les adultes veulent faire des enfants. Si l'éducation a toujours été de l'intégration, si elle a toujours été une technique d'adultes pour obliger les jeunes à rentrer dans le rang, elle devra changer car les enfants téflon ne pourront l'accepter, ils y sont allergiques psychologiquement.


L'éducation parentale, c'est l'oppression
Une grande part de l'éducation parentale est basée sur l'oppression. L'adulte croit qu'éduquer veut dire se faire obéir, avoir raison.
Il est facile de constater que l'éducation faite par la majorité des parents et des professionnels n'est qu'une formation à l'esclavage. Ils veulent que les enfants les écoutent, les respectent, leur obéissent à la lettre et ne les dérangent pas.
Avoir des enfants, c'est un problème.
C'est un problème de conscience.
Nous n'avons pas d'enfants.
Nous ne pouvons prétendre posséder des enfants.
Ils viennent chez nous, mais ils ne peuvent nous appartenir.
Nous avons l'impression que nos enfants doivent passer par les mêmes chemins que nous.
Mais ils ne peuvent pas, ils sont trop différents de nous. Ils doivent, pour ne pas nous causer de problèmes, pour être de bons enfants, manger ce que nous leur donnons, à l'heure où nous le voulons et avec les ustensiles que nous voulons.
Il n'y a rien de plus fatiguant qu'un jeune qui est difficile à table. Si nos enfants avaient les mêmes goûts que nous, ce serait tellement mieux.
Parce que nos goûts sont de vrais goûts , pas les leurs qui ne sont que des goûts de difficiles.


L'éducation actuelle est un système de restrictions
Ils doivent s'habiller comme nous voulons, quand nous voulons, Evidemment, c'est nous qui savons quand ils sont bien habillés.
Ils ne doivent pas salir leur linge, même si cela restreint leurs jeux. Ils ne pensent qu'à ça, jouer.
Vive le temps où ils sauront se tenir et rester propres. Ils doivent se tenir avec les copains que nous avons acceptés pour eux. C'est bizarre comme ils ont tendance à fréquenter des gens non recommandables. Nous devons tout faire pour eux, même choisir leurs amis parfois. Ils doivent être à la maison aux heures que nous leur indiquons, sinon ils nous inquiètent et nous causent des soucis Il peut arriver tellement de choses dans la société actuelle, plus vite ils sont rentrés, plus vite ils sont en sécurité, même s'ils ont l'impression d'être en prison. Ils doivent se lever aux heures que nous avons fixées pour eux. ils ne doivent pas devenir des paresseux. En plus, ils doivent prendre l'habitude de ne pas arriver en retard.
Ils doivent passer quinze ans minimum de leur jeunesse à aller à l'école afin de devenir des adultes et de nous remplacer dans la société.
Ils n'ont pas le droit de faire du bruit, car ils doivent apprendre immédiatement le respect des autres, et, en plus , ils nous ennuient avec leur tapage. Cette litanie n'en finit plus. L'éducation actuelle est un système de restrictions . Un jeune bien éduqué est un jeune qui ne paraît pas et qu'on n'entend pas. Plusieurs parents que j'ai rencontrés contestent cette vérité. Ils me disent que c'est sans doute vrai chez beaucoup de parents, mais pas chez eux. Certes, nous voulons tous être de bons parents, mais nous ne savons pas finalement ce qu'est un bon parent . Nous essayons donc de l'être selon une norme, un standard. Nous voulons être reconnus comme de bons parents suivant une normalité. Il fut un temps où battre un enfant à coup de bâton était reconnu comme une méthode normale de pédagogie. Pourquoi, parce que la majorité des parents battaient leurs enfants.
C'était une bonne façon pour qu'ils ne recommencent plus, pour qu'ils nous obéissent. Les parents et les professionnels veulent être obéis.


Non à l'obéissance !
Nous devons changer d'attitude.
Nous ne pouvons plus éduquer les jeunes d'aujourd'hui comme nos parents nous ont éduqués. Ils ont fait leur possible, mais, dans la majorité des cas, leur éducation nous a simplement intégré dans leur monde, ce qui n'est pas nécessairement pour le mieux .
L'obéissance ne doit plus être un facteur d'éducation. Nous ne devons plus exiger de nos jeunes qu'ils nous obéissent.
Nous devons trouver autre chose...
L'obéissance va totalement à l'encontre du développement de l'intelligence. Elle est à rejeter par nous, les éducateurs, car elle le sera de plus en plus par les jeunes que nous voulons éduquer.
Je rappelle que l'intelligence ne se mesure pas avec les examens, des notes scolaires, des tests.
L'enfant ancien, celui qui s'adapte aux traditions, n'est pas aussi intelligent que l'enfant téflon, l'enfant nouveau qui a besoin de cadres neufs pour vivre.
L,'intelligence va de pair avec la conscience.
Nous forçons nos enfants à nous obéir afin qu'ils fassent ce que nous attendons d'eux pour pouvoir les déclarer normaux et intelligents.
Le problème c'est que nous nous considérons intelligents.
A partir de cette base, nous considérons que ce que nous faisons et pensons est intelligent.
C'est pourquoi nous tenons tant à ce que nos enfants soient plus ou moins comme nous.
Mais si l'intelligence ne se rapporte pas aux notes scolaires, si l'intelligence ne se rapporte pas à l'obéissance, si ce n'est pas la politesse, si ce n'est pas le respect, la compassion, la culpabilité, l'affection,,., si l'intelligence est autre chose que ce que nous avons cru et si nos enfants téflon sont intelligents, nous ne pouvons pas faire autrement que d'avoir des problèmes avec eux. Une grande majorité des enfants qui viennent au monde sont intelligents, bien que cette intelligence ne soit pas encore exprimée et développée chez eux.
Alors commence immédiatement le travail des adultes, l'éducation. A partir de livres de normalité, de ce que doit être le développement normal chez l'enfant, nous faisons tout ce qu'il faut pour qu'il cadre avec cette normalité.
Il doit être un bon enfant et nous devons paraître de bons parents.
Nous devons cesser d'anéantir l'intelligence qui se développe chez la majorité des enfants d'aujourd'hui, les enfants téflon, et cela au nom de l'éducation, de l'obéissance, de la paix, etc.


L'enfant différent dit non
L'enfant a vite appris à ne pas pleurer, à manger sans baver, à ne pas fouiller partout, à ne pas mettre tout en bouche, à ne pas tomber en bas des chaises ou des escaliers. Il était faible, petit, sans expérience. Il a vite été déformé. Il a mangé une nourriture qui lui donnait des nausées.
Il s'est vu interdire les desserts qu'il aimait.
Sa vie s'est limitée à ce que ses parents lui permettaient et lui interdisaient. Il se rend progressivement compte qu'il ne peut rien décider pour lui.
On le fait garder, on l'envoie à la maternelle, puis à l'école. On se débarrasse souvent de lui ainsi. Et là, on l'occupe, pas toujours avec ce qu'il veut. On l'instruit, alors qu'il n'a pas encore compris ce qu'il fait là, sur un banc d'école. On lui dit ce qu'il doit faire et ne pas faire. Pire, on le dispute quand il oublie ou qu'il n'obéit pas.
Bien sûr, lui ne sait pas encore ce qu'il veut, mais il sait déjà ce qu'il ne veut plus.
Tout ça ne semble avoir d'importance pour personne. On lui dit qu'il doit être normal comme tout le monde.
Quand il a des idées en accord avec les autres, on lui dit qu'il pense bien et lorsqu'il n'est pas d'accord, les problèmes commencent..
Plus il grandit, plus il se confronte à ce monde. S'il n'est pas trop intelligent, c'est-à-dire s'il ne prend pas trop conscience de ce qui lui arrive, il finit par se transformer. Il finit par faire siennes les idées des autres, de la masse. Il vivra de la même façon : les peurs, les angoisses, les jalousies, l'amour, etc. Mais s'il est différent, jusque dans son intelligence, il prend conscience de ce qui l'entoure et il dit non.


A la violence des adultes, l'enfant répond par la violence
L'adulte a tout un arsenal pour contrer le goût d'indépendance du jeune. Il y a les réprimandes, la culpabilité, les menaces, le chantage, la morale, la souffrance des parents, la souffrance physique... Et si tout ça échoue, il y a les psychologues, les psychiatres et les médicaments.
Lentement, à la violence des adultes, l'enfant, jeune ou adolescent, répond par la violence.
Elle prend différents visages.
Le suicide, les agressions physiques, la destruction gratuite des choses matérielles, etc,
Il y a, bien sûr, des moyens de fuir toute cette conscience, les mêmes moyens que ceux employés par les adultes : la boisson et la drogue.
Si tous les enfants téflon ne passent pas par un chemin de désolation, de destruction, de violence, la majorité n'y échappera pas. Pas à cause de leur nature, de leur façon de penser, non. Mais à cause de certains adultes, à cause de leur refus de voir du neuf dans la jeunesse et dans leur refus de laisser les choses changer.


L'enfant téflon semble seul, mais n'en souffre pas
Nous avons déjà défini l'enfant téflon comme élant celui qui ne peut s'adapter au cadre actuel, tel qu'il est. L'enfant téflon à, lui aussi, un seuil critique où il s'adapte ou se suicide.


L'enfant téflon
* semble seul, mais n'en souffre pas ;
* ne ressent jamais de culpabilité ;
* n'est surdoué que dans ce qu'il aime et il n'est pas possible de le motiver par des motifs d'ordre émotif ;
* est un très bon manipulateur et on peut difficilement le manipuler ;
* paraît souvent sans coeur ;
* peut être agressif, violent et il n'est pas raisonnable par les voies émotives ;
* a de la difficulté à voir un but ou une place pour lui dans l'avenir ;
* est porté à trouver des choses stupides et il ne peut s'empêcher de le faire savoir ;
* ne croit pas au changement et ne peut vivre dans la contradiction ;
* est hautement égoïste ;
* vit la maturation de son identification psychologique entre 3 et 9 ans.


L'enfant ancien
* s'ennuie facilement s'il est seul ;
* est facilement culpabilisé ;
* est de bon à mauvais à l'école et on peut le motiver par des raisons émotives ;
* peut être facilement manipulé, surtout par les voies émotives (peur, récompense, promesse );
* veut paraître gentil avec ceux qu'il aime ;
* ne pense pas à l'avenir et accepte facilement celui qu'on lui présente ;
* fait partie de la majorité silencieuse et ne peut protester que collectivement ;
* croit au changement et peut vivre dans la contradiction ;
* accepte l'idée qu'on doit faire plaisir aux autres, qu'on doit les aider et qu'on doit penser à eux ;
* vit sa maturation psychologique en même temps que sa puberté physique.


L'enfant téflon nous résiste
Si tous les enfants et les jeunes de notre société étaient obéissants et accomplissaient tout ce que nous leur demandons, tout serait plus facile.
Ils iraient bien à l'école, ils seraient polis, ils flatteraient notre ego, ils feraient le ménage de leur chambre, ils nous rendraient bien des services, etc.
Mais l'esclave parfait ne, doit pas être intelligent , sinon il se révolterait. L'enfant téflon est non seulement intelligent, mais il est puissant. Il a la force psychologique pour résister à l'adulte. L'éducation s'est presque toujours limitée à briser cette résistance . Mais plus un être humain, quel que soit son âge, est intelligent, plus il devient difficile à briser. Il devient incassable.


Il a besoin d'une raison de vivre
Pour pouvoir réellement vivre avec un enfant, et encore plus avec un enfant téflon, il faut toujours partir de son point de vue et non du nôtre. Mais qui a raison ? Moi ou toi ? Personne et tout le monde. L'enfant doit-il absolument s'intégrer à notre société ? Que lui réserve-t-elle de si bon pour que le jeune accepte de passer sa jeunesse à s'y préparer ? Quel est le plan écologique que nous réservons à la jeunesse pour l'avenir ? Quel est le plan du futur que nous avons prévu pour ces jeunes lorsqu'ils seront adulte  ? Quel est ce plan social ? Quel est notre but ? Il n'y en a pas. Nous n'avons pas, nous les adultes, de plan pour le futur. Nous n'avons rien a donner à ces jeunes qui naissent de plus en plus intelligents, de plus en plus vifs, de plus en plus conscientisables. Pour eux, nous sommes "graves". Nous voulons les forcer à s'intégrer dans un monde sans avenir déterminé, sans espoir clair. Je ne parle pas de ce genre de buts anciens comme : se marier, avoir des enfants, avoir un emploi stable, une maison, une reconnaissance sociale, etc. Les enfants téflon n'ont pas besoin de cela. Ils ont besoin de raisons intelligentes et non pas émotives pour accepter de participer à l'évolution sociale. Cette évolution sociale doit avoir un but... un but intelligent. L'enfant téflon a besoin d'une raison de vivre.


Devenir complice de l'enfant téflon
Notre société est divisée en deux parties : une partie qui refuse le changement et une autre qui le recherche. Dans notre petit coin, nous philosophons de temps en temps et nous arrivons à des points de vue qui ne concordent pas toujours avec ceux de la masse. Le problème, c'est que, chaque fois qu'une personne se retrouve avec cette masse, elle perd ses opinions et adopte les opinions collectives.
L'enfant téflon, seul ou en groupe, conserve ses opinions. La société, quoique pleine de possibilité, est encore très limitante, à cause des individus allergiques au changement. Nous nous sommes souvent révoltés dans notre jeunesse. Pas de grosses révoltes parce que nous n'avions pas la puissance psychologique de les faire, mais nous nous sommes révoltés quand même contre beaucoup de choses. Nous les trouvions inutiles stupides, injustes, etc. Pour devenir complice de l'enfant téflon, nous devons voir le monde de son point de vue. L'enfant téflon, qu'il parle ou qu'il se taise, a souvent raison. Le monde est difficile à aimer, la vie est souvent stupide et absurde. Il se révolte contre le système de la vie, de Dieu, de l'univers.
Il devient un révolté, un rebelle de la société. Nous devons devenir des rebelles à notre tour. Des alliés de l'enfant téflon. Nous devons l'aider à vivre sa rébellion et nous ne devons plus l'éduquer afin qu'il revienne dans le droit chemin parce que, bien souvent, c'est lui qui est dedans et pas nous. Pour beaucoup de parents et de professionnels, travailler avec un enfant téflon veut dire le "guérir" c'est-à-dire le ramener dans la normalité. Cela équivaut à le détruire. Il n'est pas malade, il n'est pas fou. Il a raison d'une raison différente de la nôtre. Bien sûr, nous avons aussi raison, d'une raison différente de la sienne et c'est justement pourquoi nous devons travailler ensemble et non plus les uns contre les autres. Si nous refusons le changement, il bouleversera quand même nos vies, mais d'une façon plus dérangeante.
Les enfants téflon sont les éléments par lesquels ce changement arrive.


Les différents enfants téflon
Nous devons nous rappeler que tous les enfants téflon ne le sont pas de la même façon.
Certains sont plus sans coeur que d'autres, i1 y en a qui ne sont téflon que par leur intelligence, tandis que d'autres causent des problèmes partout où ils vont. Certains sont affectueux, mais ne sont pas punissables. Il y en a qui sont gentils, adorables, et qui n'ont absolument pas le goût de poursuivre leurs études scolaires.
Un enfant téflon n'est pas un moule dans lequel tous les autres téflon sont passés. Un enfant peut avoir un seul des symptômes reliés à l’enfant téflon, il peut néanmoins être difficile de vivre avec lui. Un jeune peut aussi avoir plusieurs des symptômes téflon, mais parce qu'il a appris à s'ajuster, il ne sera pas un enfant à problèmes.


Le rôle des parents
*  Accepter l'enfant téflon comme étant une réalité faisant désormais partie de notre monde.
*  Accepter qu'il pense différemment et que ses priorités ne soient pas les nôtres, comme l'école.
*  Cesser de vouloir à tout prix qu'il devienne une projection de notre vie ( vouloir qu'il soit médecin, sportif professionne1, etc.)
*  Travailler avec lui pour comprendre la vie .
*  Cesser de le considérer malade et cesser de vouloir le guérir (c'est-à-dire de le rendre comme nous).
*  Cesser d'exiger de lui qu'il embarque dans notre bateau social et s'arranger plutôt pour qu'il le décide lui-même.
*  Le traiter comme un adulte du point de vue des lois et des droits familiaux.
*  Cesser de vouloir l'aimer à tout prix, il a plus besoin de respect que d'affection.
*  Nous respecter devant lui et le respecter également.
*  Lui tenir tête jusqu'au bout si nous avons des raisons intelligentes à lui opposer.
*  Lui apprendre le respect, sans confondre respect et obéissance.
* Lui donner des raisons intelligentes d'apprendre, d'aller à l'école et de nous aider à supporter la société et à l'améliorer.


Source : Revue L'Homme Libre N°169, 2001.