L’intellectualité, les diplômes,
l’argent. Voilà tout ce que promeut la société dans laquelle nous vivons. Le
développement intellectuel engage dans la course aux diplômes, les diplômes
ouvrent la porte à la lutte pour les meilleurs salaires. Fi des goûts naturels
et des qualités humaines, tout le monde est un arriviste à sa manière. Tout est
trivial, on est content de soi si l’on a la capacité d’être dans la course, on
est insatisfait si l’on n’y parvient pas.
Dans la réalité du quotidien, cette échelle de valeur qui ignore la dignité intrinsèque à toute responsabilité humaine, finit par avoir des répercussions inquiétantes. Le travail manuel, les métiers du service, mal rémunérés, sont dépréciés à tel point que ceux qui les exercent méprisent souvent leurs tâches et tentent de les fuir par tous les moyens possibles. Observons quelques exemples concrets dans les écoles où les tout jeunes enfants sont accueillis.
Dans la réalité du quotidien, cette échelle de valeur qui ignore la dignité intrinsèque à toute responsabilité humaine, finit par avoir des répercussions inquiétantes. Le travail manuel, les métiers du service, mal rémunérés, sont dépréciés à tel point que ceux qui les exercent méprisent souvent leurs tâches et tentent de les fuir par tous les moyens possibles. Observons quelques exemples concrets dans les écoles où les tout jeunes enfants sont accueillis.
Premier constat : pendant
les récréations, qui accepte encore de surveiller les toilettes ?
Personne. En maternelle, les petits de trois ans, ne sachant pas s’essuyer,
renfilent leur culotte et restent malpropres jusqu’au soir. A l’heure de la
sieste, ils pataugent pieds nus ou en chaussettes sur le sol souillé des
toilettes. Qui couvre les enfants au dortoir une fois qu’ils sont
couchés ? Le climatiseur réglé à fond fait l’affaire sans que quiconque ne
songe à en changer régulièrement le filtre. Au lieu de créer une ambiance de
calme pour favoriser l’endormissement, à quoi s’occupe-t-on ? A consulter
son téléphone portable, à taper ses sms, à passer commande sur Internet. D’autre
part, qui aère les pièces où l’on vit à trente toute la journée ? Qui
veille à l’ordre et à la propreté des locaux, fait ramasser les papiers et
suspendre les vestes aux porte-manteaux ? Plus personne.
Lorsque les soins aux petits sont
coupés de la relation humaine dans laquelle ils s’inscrivent, ils perdent leur
sens et sont indûment considérés comme dévalorisants. C’est un peu comme si
l’on revenait à l’époque où l’on ignorait tout de l’importance de l’hygiène et
de la propreté. Cela se fait sentir par des épidémies de gastro-entérite dès le
mois de septembre, des grippes et des virus qui se développent jusqu’en mai, et
des poux dont on ne sait plus comment se défaire et dont aucune classe, à aucun
moment, n’est préservée.
Par ailleurs, la préparation
d’une salle de classe avant l’arrivée des élèves, agissant sur l’ambiance et
permettant aux enseignants une meilleure disponibilité, est perçue comme
superflue. Les instits qui attendent des personnels de service, arrivés dans
les locaux tôt le matin, qu’ils ouvrent les portes des classes, tirent les
rideaux, allument l’éclairage, remettent en place tables et chaises, sont
regardés comme des « assistés ». Bien sûr, les profs peuvent tout
faire : ramasser les papiers, tirer les chasses d’eau, aérer les classes,
ranger, nettoyer… et ils le font chaque fois que c’est nécessaire. Mais qui
donc prépare et conduit la classe ? Peut-on tout faire en même temps et
bien ? Enseigner vaut-il plus que de veiller à l’hygiène et au bien-être
des enfants ? Les fausses valeurs intellectuelles et lucratives ont perverti
les mentalités au point qu’il est convenable, par exemple, de demander à
certains personnels de faire des photocopies mais pas d’étaler de la confiture
sur des tartines pour préparer un goûter… le photocopieur semble avoir un
rapport plus direct avec l’intellectualité valorisante que le pain du
boulanger !
Tout cela n’est qu’illusion liée
en grande partie à la somme d’argent que l’on gagne en grimpant sur la dite
échelle sociale au fur et à mesure que l’on prouve que dans sa tête, il y en a
beaucoup ! Ainsi, ce qu’on appelle l’école à double vitesse est combattu parce
que l’on accorde moins d’importance à la filière professionnelle, qui ouvre
pourtant à des métiers utiles et indispensables, qu’à la voie des longues
études menant plus souvent à des impasses. L’intelligence concrète est-elle
inférieure à l’intelligence abstraite ? L’agriculteur moins nécessaire que
l’énarque ?
Et si l’on essayait de rémunérer
tous les métiers à salaire égal ? Imaginons : l’agent d’entretien
gagne autant que l’instit, l’instit gagne autant que l’inspecteur, l’inspecteur
gagne autant que le recteur, le recteur que le ministre et le ministre autant
que le Président de la République… Envierait-on encore la place des uns ou des
autres ? Désirerions-nous faire autre chose que ce que nous aimons faire
et qui correspond à nos réelles aptitudes et aspirations ? Nous ne
chercherions plus à nous rendre important. La vraie satisfaction viendrait du
fait de bien faire son travail dans le don de soi et l’attention portée à sa
tâche et aux autres. On serait reconnu par ses compétences et ses qualités
plutôt que par son compte en banque.
Au lieu d’exalter la dignité
humaine, l’intellectualité finit par être avilissante. Elle nous fait croire
que l’on se place au-dessus des contingences matérielles alors que l’on s’y
enchaîne en se laissant envahir et déborder par elles. La course sur l’échelle
des métiers nous place dans une compétition mortifère qui déstructure le tissu
social. L’abandon des règles d’hygiène élémentaires nous ramène immanquablement
aux maladies et aux épidémies. Quand l’éducation préservera la joie que procure
au jeune enfant le fait d’être utile et de servir, le savoir et l’argent
perdront leur attrait, et l’on choisira son métier en fonction de ses capacités
et de ses aspirations. Les individus seront alors naturellement complémentaires
dans une société unifiée.
Diane
Diane