Comment
un enfant élevé dans le bruit, les sollicitations extérieures incessantes, le
matraquage publicitaire et les injonctions éducatives diverses et variées pourrait-il
devenir un être conscient, libre et responsable ?
Pour
moi, la condition première à l’exercice de la citoyenneté est la prise de
recul, la connexion en soi à ce qui est au-delà du temps, des modes, des
cultures, à cette dimension atemporelle et universelle que l’on ignore
aujourd’hui jusqu’au point de la nier et qui pourtant permet d’être authentique
et solidaire. Et comment mieux accéder à cet espace de liberté intérieure, sans
faire intervenir les concepts, les dogmes ou les croyances, autrement qu’à
travers le silence ?
Il
y a quelque chose de magique qui s’instaure lorsqu’une collectivité d’enfants
(ou d’adultes) se tient, d’un commun accord, calme, immobile, les yeux fermés
(ou ouverts) pendant quelques minutes ou même seulement quelques secondes. Tous
face au mystère de la vie en soi, le mental baissant la garde de son orgueil
dans le silence partagé. Quand on ré- ouvre les yeux ou que l’on se remet en
action, un recul s’est opéré, on y voit plus clair, on relativise les
situations vécues, on peut sentir ce que l’on a à faire ou à ne pas faire.
L’enfant exprime alors des paroles justes pleines de sens, de compréhension et
de bienveillance. Il trouve son équilibre et contribue à mettre de l’harmonie
dans l’espace social dans lequel il évolue.
Voici
quelques phrases glanées auprès d’élèves de CP (6-7 ans) avec lesquels j’ai
pratiqué un temps de silence en début de journée et à chaque fois que le besoin
s’en faisait sentir pour calmer l’agitation ou aider un enfant au comportement
difficile à se reprendre :
- J’avais froid et cela m’a réchauffé
le cœur.
- Ça me fait toujours la même
chose : j’y vois sombre et après j’y vois plus clair.
- Je suis comme dans mon lit.
- Mon cœur s’est ouvert.
- Ça m’a bien réveillé.
- Ça m’a beaucoup éveillé.
- J’ai senti mon cœur s’agrandir de
plus en plus.
- J’ai senti mon cœur s’agrandir
encore plus.
- Ça m’a donné envie d’être sage.
- Ça me fait quelque chose de doux.
- Ça m’a beaucoup relaxé.
- J’étais à l’aise.
- l’autre jour, mon papa (ou ma maman)
était énervé(e), je lui ai fait faire le silence.
- Mon cœur m’a dit quelque chose
d’important : si on est gentil avec les autres, il arrive des choses gentilles dans sa vie. Si on n’est
pas gentil, il nous arrive des méchantes choses.
- Ça me donne des choses nouvelles
comme : aimer tout le monde.
- Mon cœur m’a dit que j’allais
respecter mon cœur et ça m’a reposé.
- Si on n’aime pas son cœur, on n’aime
personne.
- Il faut faire l’harmonie, l’harmonie
c’est quand on est tous ensemble et que l’on s’entend bien.
- Tellement ça m’a relaxé que j’avais
les larmes aux yeux !
- Tellement que j’étais heureux,
j’avais l’impression d’être allongé dans l’air !
Une étape est franchie quand les
enfants intègrent la pratique du silence chez eux, dans leur quotidien, sans
qu’il y ait besoin de le leur suggérer. Voici des témoignages d’enfants de CM2
(10-11 ans) :
- J’étais sur mon cheval, je
n’arrivais pas à le guider, je me suis centrée et c’est allé mieux…
- Je n’arrivais pas à m’endormir, j’ai
fait la relaxation.
- L’autre jour Sarah était à la
maison, elle était toute excitée et l’on se disputait. Je lui ai apporté une
chaise et je lui ai dit de faire l’exercice de la maîtresse… Sarah : Je
l’ai fait et après on ne s’est plus disputé.
- Ma maman garde des petits enfants et
elle n’aime pas quand ils sont excités avant de partir à l’école, je leur fais
faire le silence avant de partir, je ne sais pas si je fais bien mais ça les
calme.
Il est évident que ce genre de petit
exercice n’est qu’un point de départ pour faire naître une autre humanité. Tout
est à revoir de fond en comble, mais dans une journée d’école, le silence
constitue pour moi un axe autour duquel peuvent se greffer d’autres pratiques
respectueuses de la liberté de conscience de l’enfant.
Diane