Dans une tribune au Parisien - Aujourd’hui en France, Jacques Testart, le «père» du premier bébé-éprouvette français en 1982, s’inquiète de la sélection génétique des embryons issus de la fécondation in vitro.
Jacques Testart, biologiste et « père » du premier bébé-éprouvette français en 1982. Coauteur, avec Agnès Rousseaux, de « Au Péril de l’humain : les promesses suicidaires des transhumanistes »*, Ed. Seuil.
« La modernité a popularisé le droit à l’enfant et commence à consacrer le droit à l’enfant de qualité. Ce dernier serait obtenu grâce à la sélection génétique des embryons issus de la fécondation in vitro (FIV), sauf si d’hypothétiques techniques de modification maîtrisée du génome devenaient disponibles. Certes, il est légitime de protéger ses futurs enfants contre les maladies graves mais l’élimination des embryons indésirables pourrait n’être qu’une illusion de garantie bonheur ou même de garantie santé pour ceux élus par le tri tant les causes d’imperfection et de frustration sont nombreuses et parfois subjectives.
Déjà on va jusqu’à choisir le sexe aux Etats-Unis ou à exclure celui qui louche en Angleterre et à refuser partout bien des caractéristiques humaines pourtant compatibles avec une vie digne d’être vécue. C’est à ce moment critique de l’histoire humaine que se profile une révolution conceptuelle permettant de générer des ovules et spermatozoïdes et donc des embryons, à partir de cellules banales comme celles de la peau. Ce qui multiplierait par 10 ou 100 le nombre des embryons accessibles au tri tout en évitant aux femmes les épreuves médicales de la FIV, c’est-à-dire que cela ferait miroiter pour tous les couples le mythe du bébé parfait choisi sans douleurs et sur des critères multiples.
Les règles de bioéthique diront-elles ce que sont les choix licites en les opposant aux choix de confort ? Les demandes seront sans fin et presque toujours soutenues par une angoisse authentique que la possibilité technique stimulera. Préserver notre espèce d’un eugénisme de masse exigerait alors que chacun comprenne l’énorme part d’illusions qu’apporte aussi l’innovation et que des interdits collectifs soient acceptés au niveau international.
Si la bioéthique sert à quelque chose, ce serait à empêcher que la puissance technique justifie le refus de toute limite [...]
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