lundi 27 octobre 2008

Sur la liberté et l'éveil des consciences

Question n°3 :
"Je viens de lire votre lettre ouverte à laquelle j'adhère globalement. Derrière les orientations générales de la réforme de l'école, que l'on peut associer à toutes les coupes sombres prévisibles , on ressent effectivement une volonté de gommer la liberté de penser, l'esprit critique, la diversité ... l'enfant est réduit à un sac qu'on remplirait de "bonnes choses" réutilisables évidemment ultérieurement sur le marché du travail.. point besoin pour cela de psychologie ( exit donc les rased) ni de pédagogie (exit les iufm, Philippe Merieu et ses collègues "pédagogistes" ..) ... Mais contrairement à ce que vous dites : "Le respect de soi-même et d’autrui, le sens des responsabilités, la solidarité... ne sont pas des notions que l’on peut inculquer à l’enfant de manière formelle et intellectuelle. Ce sont des dispositions naturelles qui se développent et perdurent lorsque l’on protège la pureté de conscience de l’enfant.", il me semble qu'il faut au contraire éduquer cet esprit critique, ce sens des responsabilité, ce respect d'autrui et de soi -même, car il n'est pas forcément naturel ni inné. La pratique du débat, des activités coopératives , peuvent par exemple y contribuer . Il nous faut donc, à mon avis, lutter activement à éveiller la conscience des jeunes sans quoi le monde risque effectivement de devenir celui que souhaitent secrètement nos dirigeant actuels ..."
IL
Réponse du comité de consultation du R.I.R.E. :

Éveiller les consciences, voilà bien tout l’enjeu de l’éducation ! Que doit-on entendre par l'esprit critique, le sens des responsabilités, le respect d’autrui et de soi-même?

Si l’esprit critique et le sens des responsabilités doivent être envisagés uniquement sous l’angle d’une idéologie, d’une croyance ou d’une manière de pensée préétablie, alors l’individu dans son unicité qui constitue le socle même de la démocratie n’a plus sa place. Une démocratie authentique ne saurait exister sans prendre en compte la diversité des compétences et des points de vue de chaque citoyen. Si par contre, il s’agit d’éveiller le sens critique individuel, la façon de procéder devrait immanquablement se démarquer de toute tentative d’inculquer des valeurs ou des schémas de pensée préétablis, afin que l’homme ne devienne pas un automate qui réagit en fonction d’automatismes préconçus, mais plutôt un être autonome qui pense et agit suivant ce qu’il sent dans l’instant, dans le respect de la liberté d’autrui.

La liberté de conscience individuelle demande donc à être reconnue et protégée pour que chacun puisse se référer à lui-même et être seul responsable de ses choix. L’absence de responsabilité que l’on constate à tous les niveaux aujourd’hui (des dirigeants jusqu’aux simples citoyens) est due à l’uniformisation de la pensée par l’éducation. Ce qui amène chacun à faire comme tout le monde ; et lorsqu’on agit comme tout le monde, on ne se sent plus personnellement responsable.

Les êtres humains pourraient-ils tous « naître libres et égaux en dignité et en droits » s’ils n'étaient pas dès le départ dotés d'une conscience pure et claire ? Une étude récente publiée dans la revue Nature (1) a révélé que les bébés sont dotés d’une conscience morale innée qui leur permet de distinguer le bien du mal dès l’âge de six mois. Or, sous prétexte de transmettre un savoir –certes légitime-, la société formate l'enfant en tentant de le plier à des valeurs et des références extérieures qui, le plus souvent, entrent en totale contradiction avec les directives venant de sa propre conscience intérieure. Il se trouve ainsi déchiré entre ce qu’il ressent profondément et ce que la société lui impose. La confusion s’installe en lui ; tout choix s’avère difficile et l’esprit critique est impossible. Nous sommes à une époque –ne nous voilons pas la face- où l’individu est désemparé et ne sait plus « à quel saint se vouer ». Dans de telles circonstances, se montrer responsable est une véritable gageure !

C’est en ce sens qu’un travail d’éveil des consciences, comme vous le soulignez, est impératif ! Aider l’individu, par une éducation appropriée, à préserver ou à retrouver en lui cette conscience innée et pure du départ, qui a été voilée ou étouffée par tout ce qu’on a mis par-dessus. C’est en redécouvrant la claire vision du cœur -sa sensibilité- que l’homme peut réellement se forger une éthique individuelle, faire preuve de discernement, exercer sa capacité à choisir et à assumer pleinement ses engagements. Dans cette optique, si l’éducation des enfants est indispensable, de même dans la société adulte, le vote lors des référendums pourrait être rendu obligatoire, comme cela l’est déjà en Belgique par exemple, afin de quitter cette apathie et cette mentalité de sujétion qui nous paralyse et nous empêche de prendre nos responsabilités et les engagements qui en découlent.

On confond bien souvent le sens moral avec la morale sociale, collectiviste, donnée purement extérieure provenant la plupart du temps des traditions, des coutumes et autres dogmes transmis de génération en génération. Sur cette base, la liberté, tout comme le sens moral, sont dévoyés et deviennent de simples attitudes conformistes que l’individu, par peur des autres et du « qu’en dira-t-on », se croit obligé de copier. Dès lors, comment respecter la liberté de conscience prônée dans la Déclaration universelle des droits de l’homme ?

Éduquer sans respecter cette liberté fondamentale, c’est formater, c’est manipuler au service d’intérêts étrangers à l’épanouissement de l’enfant, c’est lui dicter des comportements et des façons de penser stéréotypés qui lui permettront d’être reconnu et accepté. Cela constitue – on le voit – le vrai fondement du paraître, de l’hypocrisie, de la vanité, de toutes les formes de tromperie et de tricherie que l'on ne saurait confondre avec des attitudes sensées. Depuis des siècles, on mutile des générations entières pour engendrer des esclaves qui doivent s’adapter à la société de consommation, de compétition et de violence dans laquelle l’humanité a sombré au fil du temps.

C’est donc, en définitive, ce conditionnement extérieur et tout ce qui va avec (nos programmes éducatifs périmés et autres) qu’il faut épargner à l’enfant afin qu’il grandisse en s’éveillant à la conscience profonde, sacrée et innée, que lui a conférée la vie à sa naissance. L’enfant, en réalité, n’appartient à aucun système social, politique ou religieux ; il est une créature de la vie et doit être respecté en tant que tel, si toutefois les adultes que nous sommes, sont encore capables d'éprouver du respect pour la vie. Il est clair que les éducateurs portent une immense responsabilité envers les jeunes et l’humanité. C’est à eux qu'il revient, en premier lieu, d’aiguiser leur sens critique pour être à la hauteur de l’enjeu : voulons-nous inculquer aux enfants nos valeurs, nos références (qui ne nous rassurent même pas !) pour perpétuer nos fantasmes d’un monde où l’argent est roi ou préférons-nous les éduquer dans la liberté et l'autonomie et en faire des citoyens responsables dans une démocratie véritable ?

(1) Source : Nature, vol 450, nov. 2007
Réf. Le monde de l’enfance N°2 Janv. Fév. Mars 2008.

dimanche 19 octobre 2008

Dès six mois, les bébés distinguent le bien du mal

Les bébés seraient capables de distinguer au cours de leur première année une bonne et une mauvaise action.

Pour la première fois, une étude révèle que très précocement, les bébés sont capables de juger le comportement d’autrui. Karen Wynn, de l’Université de Yale, aux Etats-Unis, a montré à des bébés de six et dix mois des petites scènes de marionnettes. Un personnage (une figure géométrique en carton, colorée et avec deux gros yeux) tente de gravir une montagne avec difficulté. Dans certains cas, un personnage vient l’aider en le poussant, alors qu’à d’autres moments un autre personnage le gêne dans son ascension, et le fait tomber en bas de la montagne. Après le spectacle, les chercheurs ont présenté aux enfants la figurine « aidante » et la figurine « gênante » A dix mois, les bébés s’intéressent à la première et laissent la seconde. Résultat plus surprenant, cette préférence se trouve aussi chez les bébés de six mois. Dès cet âge, ils sont capables de distinguer les bonnes des mauvaises actions qu’ils observent, du moins dans des interactions entre jouets. Cette capacité préverbale participerait à la formation du sens moral. Il reste à comprendre précisément la manière dont se forme cette première preuve de jugement social. L’évolution aurait-elle doté l’espèce humaine d’un mécanisme de détection de l’altruisme, pour multiplier les chances de survie ?

Source : Nature, vol 450, nov. 2007
Réf. Le monde de l’enfance N°2 Janv. Fév. Mars 2008.

Ethique, morale et laïcité

Par Henri Pena-Ruiz :

"La morale, l'éthique, nous pouvons la construire à partir de l'humanité qui se rapporte à elle-même. Rien de ce qui est humain ne m'est étranger : tel pourrait être le principe d'une éthique, qui peut s'élever à l'universel, qui n'est ni religieux, ni athée, dès lors qu'elle atteint des valeurs. Des valeurs dont aucun homme n'a à considérer qu'elles sont contraires à son engagement spirituel. Prenons la liberté sexuelle. Est-elle contraire, lorsqu'elle est affirmée, à l'engagement spirituel ? Non. Parceque dans la liberté se trouve incluse la faculté de ne pas faire. Jamais les lois légalisant l'avortement, la contraception n'ont obligé des femmes chrétiennes à avoir recours à ces moyens. A l'inverse, lorsque, comme en Pologne, on réinterdit l'IVG, il s'agit d'une morale particulière qui s'impose à tous. On sait donc de quel côté se trouve l'universel !"

Extrait d'une conférence donnée pour la Libre Pensée le 9 mars 2003
Revue : "L'idée libre" n°262-263 3e et 4e trim.2003