samedi 15 février 2020

La transformation des enfants éveillés à l'Intelligence du coeur

Par Diane

Il est un fait reconnu dans notre société en mutation : les enfants sont de plus en plus difficiles à gérer et les adultes qui s’en occupent de plus en plus désemparés. Entre l’autoritarisme blessant et le laxisme lénifiant, l’éducation se cherche. Depuis trois ans que je mets en application dans ma classe multi-âges de maternelle « La leçon de Professeur Hibou »*, qui exhorte à écouter la voix intérieure de notre conscience, je découvre avec joie un nouveau mode d’accompagnement de l’enfant sur son chemin de vie qui respecte sa liberté de conscience tout en l’empêchant de s’égarer. Par voie de conséquence, je constate que le climat de la classe change radicalement et que s’épanouissent naturellement la solidarité, l’entraide et le partage.

L’histoire « La leçon de Professeur Hibou » est parfaitement adaptée aux enfants de trois à huit ans et son message clairement perceptible : la réponse aux situations rencontrées sur le chemin de notre évolution est en soi. Logiquement, cela veut dire aussi que tout ce que l’on apprend pour développer son pouvoir sur le monde doit s’accompagner de cet éveil à l’Intelligence du cœur qui nous en inspire le bon emploi. Les enfants le comprennent très bien et ils montrent une motivation décuplée pour les apprentissages ayant pour support l’histoire et ses personnages. Quand leur cœur s’ouvre, tout prend un sens et ils se mettent à « adorer l’école » comme ils aiment à le répéter.

Dès la première lecture, même si c’est à des degrés différents, tous les enfants sont sensibles à l’histoire. La majorité d’entre eux perçoivent comme S., petite fille de trois ans : « Ça m’a appris à sentir mon cœur. » Leur cœur s’éveille car leur conscience n’est pas encore encombrée par toutes les croyances et les valeurs que le monde adulte cherche à leur imposer. Leur cœur, ils peuvent le décrire comme une très grosse boule de lumière multicolore qui prend tout l’espace de leur corps et même au-delà… Une chose est sûre, c’est que pour eux c’est une réalité vécue et que « ça » leur parle parfois très fort pour leur dire ce qu’ils ont à faire ou à ne pas faire.

La transformation qui s’ensuit dépend de la maturité individuelle mais aussi de l’accompagnement des adultes et surtout de leur constance dans le fait de renvoyer, en toute circonstance, l’enfant à lui-même. Pour l’éducateur, il s’agit non plus de contrôler par l’extérieur mais de demander aux enfants d’écouter leur cœur, d’aider si nécessaire à les mettre en condition d’écoute, de calme et de confiance, de formuler éventuellement la question à poser en eux-mêmes.

Ce respect fondamental de la liberté de conscience de l’enfant en tant qu’être conscient à part entière, demande de ne pas chercher à le contraindre avant de lui demander son adhésion. Certains enfants ne sont pas prêts à assumer cette responsabilité d’obéir à leur conscience. Cela ne dépend pas de l’âge mais le plus souvent de leur maturité affective. Les enfants auxquels on n’a pas su imposer des limites et des règles, les enfants qui vivent des situations de stress important ou que l’on n’aide pas à prendre leurs distances vis-à-vis des dépendances affectives, ceux qui font ce qu’ils veulent et surtout font marcher les adultes sur la tête, ceux-là ont des difficultés pour accéder à leur autonomie intérieure ; ils ne sont pas en mesure d’obéir à ce qui leur est dicté du dedans. Ils doivent alors commencer par écouter les adultes référents. Là aussi, on doit accepter ce qui est exprimé : « Moi, je ne touche pas à mon cœur ! » ou « Mon cœur ne me parle pas. » ou « Il dort. ». Ces expressions traduisent en réalité une reconnaissance intuitive d’un domaine qui, pour l’instant, leur échappe, leur fait peur ou bien les avertit subtilement : « C’est fini de faire le malin ! ». Ces enfants évoluent ou lâchent prise en voyant les autres s’épanouir.

Une fois leur cœur touché, la plupart des élèves mettent sur le champ en application. C. : « J’ai compris qu’il fallait être sage partout. Quand on a envie de faire des bêtises, il faut dire non à sa tête. » Et cet autre petit garçon M. – dont les parents désespérés pensaient qu’il allait finir délinquant – qui, après avoir entendu l’histoire, fonce dans la cour voir son ancienne maîtresse et lui dit : « Ça y est ! maintenant, je suis sage, j’écoute mon cœur ! » ou encore N. qui, l’année suivant le travail autour de Professeur Hibou, va trouver son enseignante pour lui expliquer : « J’ai donné des coups de pieds à L. Je suis allé m’asseoir dans la cour. J’ai fait le calme, et mon cœur m’a dit qu’il ne fallait pas faire ça. Après, j’ai été complètement sage. »

La transformation peut être définitive : certains travers contre lesquels les adultes s’opposent parfois en vain disparaissent ; ou bien ce mouvement de bascule dans la conscience se renouvelle dans l’instant chaque fois que l’enfant reprend contact avec ses énergies intérieures, symbolisées par le cœur. C’est clairement visible pour celui qui observe ce qui se passe : l’enfant se détend, le visage s’épanouit et les yeux retrouvent leur éclat. Il ne joue pas à quelque chose, il ne fait pas semblant pour faire plaisir, il vit pleinement ce contact avec sa dimension profonde.

Avec ce moyen, la résolution des conflits est des plus efficaces. Chaque élève impliqué se remet lui-même en question en cessant d’accuser les autres et lorsqu’ils partagent ce que leur cœur leur a dit à chacun, la solution est là, dans la complémentarité des réponses, et la situation est totalement apaisée. Les enfants concernés deviennent alors les meilleurs amis du monde.

J’ai constaté également que le degré de présence aux autres et à l’environnement augmente de manière significative quand les enfants sont reliés à leur cœur. Ils voient autour d’eux là où il faut intervenir : retenir une porte qui va claquer, aider un petit à remettre ses chaussures, soulager un enfant malade, aider à ramasser, à ranger, à nettoyer… Il y a des manifestations de solidarité qui font rêver au monde à venir : Dans la cour, S. heurte une haie avec son vélo ; comme convenu dans cette situation, il va poser son vélo pour le reste de la récréation. G. son copain le voit, sans hésiter il va lui-même poser son vélo en exhortant tous les copains : « Allez, on range tous nos vélos, et on continue à jouer ensemble avec S. ! »

Très vite, ils sont préoccupés par l’état du monde et se demandent si leur cœur va rester ouvert. V., 5 ans, analyse : « Quand on est adulte et qu’on n’écoute pas son cœur, on a le cœur qui bat, mais pas le cœur qui parle. » Et une fillette de demander : « Quand on est mort, est-ce que le cœur est vivant ? » Réponse de V. : « Le cœur ne bat plus, mais le Cœur est toujours vivant. »

En permettant aux nouvelles générations de trouver la référence intérieure universelle, on transforme l’état d’esprit de l’être humain. Il ne fait pas de doute que l’ancien monde – dont nous, adultes, faisons partie – disparaîtra avec toute ses incohérences, ses injustices et ses souffrances, pour laisser place à une existence nouvelle dont le sens sera clair pour tous. Aujourd’hui, il est impératif que toute éducation à quelque niveau que ce soit prenne en compte l’éveil à l’Intelligence du cœur.


Référence

 * "La leçon de Professeur Hibou" - les ateliers de la plume EDITIONS 

samedi 1 février 2020

«  Savez-vous quel est le plus sûr moyen de rendre votre enfant misérable ? C'est de l'accoutumer à tout obtenir  »  (Jean-Jacques Rousseau, écrivain, philosophe, 1712 - 1778)

Le tracteur abandonné ou réflexions à propos de l’éducation

Par Eliane Perret, enseignante spécialisée et psychologue

Récemment, alors que je rentrai peu après la tombée de la nuit à la maison, j’ai découvert au bord de la route un petit tracteur: un engin en plastique pour s’assoir dessus et pour conduire, comme tant d’enfants souhaitent en avoir. Je m’imaginai la façon dont un enfant aux yeux pétillants avait déballé ce cadeau lors de son anniversaire. Maintenant, ce véhicule a déjà parcouru de nombreux trajets. L’image de ce tracteur ne m’a plus quittée et a nourri mes réflexions.

Les bonnes habitudes, un trésor pour la vie


Pourquoi le tracteur se trouvait-il seul au bord de la route? Et comment retournera-t-il à la maison? Quelqu’un devait en être responsable; comme pour beaucoup d’autres choses dans la vie aussi. Quelques enfants me sont venus à l’esprit. Nous sommes au travail et avons besoin d’une paire de ciseaux. Une première question fuse: «Où sont mes ciseaux?» Je dois réprimer l’impulsion de faire une recherche avec mes yeux. Et effectivement, l’enfant ayant posé la question s’active et commence lui-même à chercher dans ses affaires et à réfléchir où il a bien pu utiliser ses ciseaux la dernière fois. Rapidement, il les retrouve et le travail peut continuer. Très bien, car ces situations apparemment anodines posent le fondement d’une autonomie et d’une responsabilité adaptées à l’âge (une chose exigée à l’heure actuelle trop souvent des enfants au mauvais endroit). Et le tracteur? Le petit propriétaire de ce véhicule n’a-t-il pas appris à s’occuper de ses affaires, d’en prendre soin et de les ranger consciencieusement? De remplir ses obligations jusqu’au bout, également en jouant? Ce serait une habitude très utile pour sa vie future! Elle naît en développant de petits filaments que l’on peut entrelacer ensemble pour créer un fil robuste donnant sécurité et appui. Comment apprend-on cela [...]


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Le bruit dans la classe

Par Mathieu

La question du volume sonore dans la classe se pose régulièrement lors de discussions entre collègues, et plus encore si l’on envisage de modifier ses pratiques pour aller vers un fonctionnement plus coopératif. Ainsi, différentes inquiétudes sont en général présentées à l’évocation du développement des libertés par exemple. Le bruit serait pour certain-e-s l’indicateur d’une classe qui travaille car naturellement, les échanges entre pairs voire les déplacements, entraîneraient un niveau sonore élevé. C’est l’image de la ruche qui bourdonne (et parfois davantage).

Ce problème du contrôle du niveau sonore me paraît parfois révélateur d’une impasse dans laquelle nous sommes tou-te-s tenté-e-s de nous engouffrer : celle du laisser-faire face à une classe qui chercherait avec constance la voie de l’auto-organisation. Il me semble au contraire que la capacité pour les élèves à faire usage de leur liberté dans un cadre accueillant pour tou-te-s dépend d’une structuration forte de la classe, notamment du point de vue disciplinaire. C’est aussi dans la pagaille que pourront se cacher les conflits voire les violences entre élèves, nous laissant alors souvent incapables de démêler les causes du désordre.
D’autre part, le bruit dans la classe participe souvent au développement d’une souffrance chez certains profs. La situation mérite donc qu’on ne se résigne pas à choisir entre calme et développement de pratiques émancipatrices pour les élèves.

Même si en éducation prioritaire on suppose que beaucoup de nos élèves ne sont pas familiarisé-e-s avec le silence, ou tout au moins le calme de par leur environnement personnel, il semble évident que tou-te-s ne sont pas capables de se concentrer dans un environnement bruyant, qui plus est lorsque les activités en cours les confrontent à leurs difficultés.
Inversement, une classe dans laquelle seule la voix de l’enseignant-e rythmerait les différentes phases de l’heure, pourrait difficilement laisser envisager une quelconque entreprise d’émancipation pour les élèves tant ceux-ci seraient réduit-e-s à une posture de réceptacles passifs pour les savoirs. On pourrait alors conclure que ni le silence ni le bruit ne peuvent être les indicateurs d’une classe au travail.

Le problème qui se pose alors est le suivant : comment permettre le développement de libertés chez les élèves (en terme de travail, d’échanges, de déplacements...), sans pour autant transformer sa classe en piste d’atterrissage d’aéroport [...]


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Enquête "conditions de travail" du SE-Unsa : les résultats

Le SE-Unsa a interrogé plus de 7500 enseignants des lycées et des collèges sur leur vie quotidienne au travail : ont fait l'objet de cette étude leurs espaces et leur temps de repos, l’équipement des salles, leur santé et leurs arrêts de travail, leur utilisation du registre santé et sécurité ou encore leurs problèmes de voix ou d’audition.


Par le syndicat SE-UNSA

Et les résultats alors ?

Ils sont inquiétants. Il est temps de parler des risques psychosociaux dans l’Éducation nationale quand 77 % des collègues ont du mal à concilier leur vie professionnelle et personnelle, quand l’activité professionnelle a des répercussions sur le sommeil pour 76 % des répondants à l’enquête, ou quand ils jugent le métier, certes passionnant à 30 %, mais aussi épuisant à 27%, stressant à 23 % et décourageant à 22 %.

Il est temps de parler de la santé des enseignants quand dans l’enquête, 51 % des collègues indiquent avoir déjà eu un arrêt de travail lié à leur activité professionnelle, quand 46 % ont régulièrement des problèmes de voix et 32 % des problèmes d’audition. Ils souhaitent d’ailleurs pour 87 % d’entre eux une visite médicale régulière et pour 74 % un aménagement de leur fin de carrière.

Il est temps de parler du moral des profs ! 48 % ne se sentent pas soutenus par leur hiérarchie, 37 % ne se sentent pas soutenus par les familles des élèves, 12 % envisagent une réorientation professionnelle à court terme et 19 % à moyen terme. Pour 90 % d’entre eux leur charge de travail augmente d’année en année et ils dénoncent souvent le travail d’évaluation et le travail « administratif » croissants [...]


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