lundi 25 avril 2016

PAROLES D'ENFANTS...Voyager en soi

A l’occasion d’écoute de musique classique, après des temps de calme ou d'attention au silence, quand les enfants se connectent à leur cœur, il n'est pas rare que des images ou de petites histoires leur viennent spontanément à l'esprit. Si l’on prête foi à ces images - tout en canalisant au besoin le trop plein - on se rend compte que les enfants parlent en réalité d’eux-mêmes. Les écouter devient alors un précieux moyen pour mieux les connaître et mieux interagir avec eux.

Voici quelques expressions enfantines recueillies dans ma classe de maternelle :

P. : J’étais sur un bateau avec mes parents. On dormait avec la fenêtre ouverte. Une petite fée est venue, elle m’a dit de sauter sur les étoiles. Je lui ai obéi. Elle m’a dit : qu’est-ce que tu veux ? J’ai dit que je voulais devenir la fée de la musique.

C. : Sur mon chemin, j’ai vu une licorne. Sur ma licorne, j’ai fait un voyage et tous les animaux sont venus.

A. : J’ai rêvé d’une sirène et d’un poisson. Le poisson la trouvait si belle que le requin était jaloux et il l’a croqué.

F. : Mon cœur m’a dit des secrets. Il y a une pièce d’argent caché dans ma maison, mais je ne la trouve pas.

V. : J’ai vu des bêtes féroces avec un lion, ils se battaient. Je suis arrivé avec des chiens et un arc avec des flèches. J’ai lancé une flèche et j’ai raté le lion. La flèche est allée dans l’arbre.

M. : Ma fleur était au milieu des bois. Il y avait un géant. Il se battait avec une araignée. Je voulais faire pareil. J’ai entendu la petite fleur de loin, elle m’a dit de me défendre avec les méchants mais pas avec les gentils.

J. : Toutes les bêtes féroces de la terre au monde sont venues vers moi, car je suis la fille des animaux. Je les ai calmées. Les petits animaux de la forêt étaient sauvés. Tout s’est arrangé. Avec les œufs de dinosaures qui « éclosaient », ça a tout recommencé. Mais j’avais tous les pouvoirs, j’ai donné des petits pouvoirs aux animaux.

B. : J’ai vu un ourson qui se bagarrait avec un gros ours. Le gros avait un fusil. Le petit a écrasé le fusil avec son pied.

N. : Il était une fois une petite girafe rose qui vivait dans son château. Il y avait une girafe bleue. Elles se sont mélangées, ça a fait des girafes multicolores comme un arc-en-ciel.

H. : La sirène, elle regardait une étoile dans le ciel, après, elle est rentrée chez elle, dans le château, dans la mer.

R. : J’étais en voyage avec un cheval et il m’a amenée chez une dame. Et la dame, elle m’a donné à manger et après je suis partie.

L. : Sur mon chemin, j’ai senti un léopard avec moi et aussi un tigre. Ils étaient gentils mais ils attaquaient les méchants. Ils m’écoutaient. On est allé voir ce qu’il y avait dans la cabane, il n’y avait personne. Celui qui habitait dans la cabane n’avait rien, il a pris notre voiture, on a laissé la voiture à celui qui n’avait rien.

O. : Il y avait une lumière multicolore dans la forêt.

I. : J’ai vu un prince qui partait sur un pont.

T. : J’ai senti un bateau qui sautait sur l’eau. Il y avait un dauphin qui faisait coucou et un autre dauphin qui faisait coucou aussi.

D. : J’ai vu une licorne qui courait. Comme elle était belle, je lui ai demandé pourquoi elle était très belle. Elle m’a dit : parce que je suis allée dans un village qui était très beau et du coup, elle m’a amenée dans le village pour que je sois belle.

E. : Ma grande sœur a fait un voyage, elle est allée dans la cheminée. J’ai éteint le feu parce que Lola (ma grande sœur) s’est brûlée.

S. : J’ai senti que j’étais sur un ours polaire.

Q. : J’ai senti un loup, dans la forêt, qui se bagarrait avec un jaguar. Mon éclair est venu. Un renard essayait de manger des poules. Le loup et le jaguar ont aidé les poules. Mon éclair a dit de leur donner à manger parce qu’ils ont réussi à garder les poules.

Diane

PAROLES D'ENFANTS... Sur mon petit nuage

Les enfants sont naturellement créatifs. Il suffit de libérer des espaces et des temps de parole, de les inviter à se connecter à leur source de créativité pour qu'ils développent ce don de la vie.
Il s'agit de leur donner l'occasion d'être attentif à ce qui se passe en eux, dans des moments de calme. On peut partir de comptines simples comme celle-ci :

Je fais le tour de ma maison
(avec la main faire le tour de son visage)
Je ferme les fenêtres
(poser la main sur les yeux)
Je ferme les volets
(poser la main sur les oreilles)
Je ferme la porte à clef
(faire le geste de tourner sur la bouche)
Je descends dans mon cœur
(poser la main sur le cœur)
Et j’écoute le silence.


C’est là que les images se forment spontanément. Les enfants aiment les transmettre et écouter celles des autres. Pour eux, il s’agit d’une réalité même si celle-ci est invisible. Ils vivent les émotions qui accompagnent ces images. La singularité de chaque personnalité est révélée. Voici quelques expressions d’enfants, de petite, moyenne et grande section de maternelle, recueillies dans ma classe :
R. : Un jour, dans mon cœur, j’ai fait un petit voyage. Il y avait un nuage. Il y avait une échelle invisible, je suis monté et le nuage m’a amené vers le Sud et j’ai voyagé dans la mer.

L. : J’ai senti une étoile qui a grandi en soleil.

B. : J’ai vu un arc-en-ciel qui scintillait avec un cœur rouge.

S. : J’ai senti mon soleil très, très haut !

A. : Il y avait un banc sur un nuage, j’étais dessus. J’ai fait un voyage. J’ai vu des dauphins.

E. : J’ai vu la lumière. Un coup il faisait jour, un coup il faisait nuit.

I. : Il y avait une étoile sur un nuage. L’étoile m’a mis des ailes. J’ai volé jusqu’à Paris.

J. : J’ai senti maman, j’étais dans le ventre de ma maman.

L. : J’ai vu une licorne et sa corne s’allumait quand elle avançait.
C. : Il y avait une brillante fleur dans le cœur.
H. : J’ai senti des cœurs et des étoiles qui tombaient sur moi.
K. : J’ai vu une étoile douce avec des paillettes.
C. : J’étais dans une toupie brillante avec toutes les couleurs.
T. : J’ai senti dans mon cœur des étincelles.
K. : J’ai pensé que je faisais un bisou au bébé qui est dans le ventre de maman.
F. : J’avais des trésors argentés dans une caverne secrète.
L. : J’ai senti mon éclair qui me protégeait de ceux qui voulaient me faire mal. Mon éclair est grand, à la taille de mon soleil.
V. : Mon nuage, il m’a amené dans la Terre. J’ai vu des vers de terre arc-en-ciel et des tas de trésors. Il m’a amené dans l’océan profond et ensuite dans un endroit dangereux : j’ai vu des milliers de coffres aux trésors et la fée-poisson m’a transformé en poisson-serpent.
Poésie lointaine qui nous rappelle la fraîcheur d’âme de l’être humain au commencement de son existence…

Diane

vendredi 8 avril 2016

«  La vie est réellement obscurité sauf là où il y a élan, et tout élan est aveugle sauf là où il y a savoir, et tout savoir est vain sauf là où il y a travail, et tout travail est vide sauf là où il y a amour.  »  ( Khalil Gibran, poète , 1883-1931)

Du pouvoir

Par Bertrand Russel

La pulsion de pouvoir se présente sous deux formes : explicite, chez les meneurs ; implicite, chez les suiveurs. Quand les hommes suivent un meneur, ils visent l’acquisition d’un pouvoir par le groupe qu’il commande, et croient que les triomphes qu’il remporte sont aussi les leurs.

« Le plus grand désavantage d’une éducation autoritaire, dit Adler, est de fournir à l’enfant un idéal de pouvoir, et de lui faire voir les plaisirs associés à l’exercice du pouvoir ». L’éducation produit aussi bien le type servile que le type despotique en donnant l’impression que la seule relation de coopération possible entre deux êtres humains est celle où l’un des deux donne des ordres et l’autre y obéit. La pulsion de soumission, tout aussi réelle et aussi répandue que la pulsion d’autorité, est enracinée dans la peur. La plupart des gens ont le sentiment que la politique est difficile et qu’il est préférable de suivre un leader : c’est, chez eux, un sentiment tout aussi instinctif et inconscient que ce qui motive le comportement d’un chien envers son maître. On retrouve les mécanismes de domination et soumission au niveau de la famille, de l’État et du monde des affaires…


Outre ceux qui commandent et ceux qui obéissent, il existe un troisième type d’individus : ceux qui refusent de se soumettre et ceux qui ne possèdent pas ce caractère impérieux à vouloir commander. Ils ont du mal à se faire une place dans l’édifice social et, d’une façon ou d’une autre, se cherchent un refuge dans l’univers mental ou dans le monde réel (ermites). Le tempérament de l’ermite est ce qui permet de résister à l’attrait de la popularité, de poursuivre des travaux en faisant fi de l’hostilité ou de l’indifférence générale, et d’en arriver à des opinions qui vont à l’encontre des erreurs en vogue. D’autres qui ne sont pas indifférents au pouvoir deviennent des saints ou des hérésiarques, des fondateurs de nouvelles écoles… Ils s’attachent comme disciples des gens chez qui l’amour de la soumission se combine à une soif de révolte. 


extrait de Le Pouvoir, Syllepse
cité par : http://www.education-authentique.org/uploads/PDF_LEA/LEA_87.pdf 

Les insuffisants sentimentaux

Alors que le niveau de l’apprentissage de l’intelligence scolaire et abstraite n’a jamais été aussi haut sur Terre, les problèmes continuent de se multiplier. Ce n’est donc pas la bonne éducation. 
Ce savoir très incomplet n’est, en effet, relié ni au cœur ni aux émotions. Pire ? Nous n’y apprenons rien sur les sentiments, les émotions et leurs usages. Nous assistons, alors, à une sorte d'analphabétisme du cœur collectif. L'empathie se raréfie. La compréhension intuitive d'autrui est en rupture de stock. Les amputés du cœur appartiennent bien à ces porteurs de maladies invisibles. Et, sans même aller jusqu'à cet extrême, la misère du vocabulaire dédié à l'affectivité et l'amour (autre que sexuel) enferme la plupart dans un monde rétréci, restreint, resserré, contracté, abrégé, raccourci, crispé et très limité. Ceci s’accompagne de graves appauvrissements émotionnels, de comportements sommaires et trop abrégés

Puisque la désocialisation générale (et où trouver des motivations avec les actuelles élites si peu élites ? ) aboutit aux incapacités à… AGIR, collectivement comme individuellement… ainsi, il peut être parlé de bouleversements climatiques sans que les résonances corporelles soient à la taille des problèmes constatés. Et dans tous les domaines, pareil : toujours plus d’enfants innocents meurent de faim et nos corps ne crient pas de révoltes, etc. Tout perd de son « importance » avec de tels insuffisants sentimentaux. La hiérarchie du réel s'émousse, les urgences s'épuisent dans le brouillard. Bref, la société « humaine » se suicide bel et bien sous nos yeux. 

Source : http://www.imagiter.fr/

vendredi 1 avril 2016

L’école autrement selon Antonella Verdiani

"Notre système scolaire réclame une profonde mutation" affirme Antonella Verdiani, docteur en sciences de l’éducation, présidente du Printemps de l’Education. Pour preuve, les nombreux malaises que semblent rencontrer enseignants et élèves. Or des expériences éducatives heureuses existent, dont on pourrait s’inspirer. Le point sur ces pistes pédagogiques innovantes et une vision éducative qui pourrait tenir son rôle d’instrument d’émancipation de l’enfant.


Par Interview d'Antonella Verdiani

Doctissimo : Quels sont les principaux défauts que présente le système scolaire actuel ?

Antonella Verdiani : L’école va mal, c’est indéniable et les réformes ministérielles successives semblent imperméables à toute innovation qui soutienne la prise en compte de la dimension existentielle des individus (élèves et enseignants), sans doute l’une des raisons du malaise ambiant. En cause, selon moi, la fragmentation grandissante du savoir en multiples disciplines, obligeant les élèves à interpréter la réalité comme un ensemble de morceaux d’un puzzle non recomposé et déstructuré. 

A ce cloisonnement et morcellement du savoir pourrait correspondre une dangereuse fragmentation de l’être humain, c’est-à-dire le corps étant séparé des émotions, elles-mêmes séparées du mental, séparé de l’esprit… Rappelons que notre système repose sur un modèle créé sous Jules Ferry, au début du siècle, en plein développement de l’ère industriel. Cette époque était très influencée par une vision positiviste de l’humanité et du progrès, où le productivisme et la morale dominaient. C’est une vision dépassée aujourd’hui qui réclame une profonde mutation.

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Discipline de la liberté

Par Maria Montessori

Voici un autre principe difficilement compris par les partisans de l’école ordinaire. Comment obtenir la discipline dans une classe d’enfants libres ?

Certainement, dans notre système, nous avons une conception différente de la discipline. Si la discipline est fondée sur la liberté, elle doit nécessairement être active. Il n’est pas dit qu’un individu soit discipliné, seulement lorsqu’il est devenu artificiellement silencieux comme un muet, et immobile comme un paralytique. Celui-là est un individu anéanti mais non discipliné.

Nous appelons discipliné un individu qui est maître de lui-même et qui peut, par conséquent, disposer de lui là où il faut suivre une règle de vie.

Cette idée de discipline active n’est facile ni à comprendre ni à obtenir ; mais, certes, elle contient un haut principe d’éducation, bien différent de la coercition absolue et indiscutée de l’immobilité.

Une technique spéciale est nécessaire à l’institutrice pour conduire l’enfant dans cette voie de discipline, où il devra marcher pendant toutes sa vie, en avançant indéfiniment vers la perfection. L’enfant, lorsqu’il apprend à faire des mouvements au lieu de rester dans l’immobilité, ne se prépare pas à l’école, mais à la vie, de sorte qu’il devient un individu correct par habitude et par pratique, même dans les manifestations sociales habituelles. Ainsi, l’enfant s’habitue à une discipline non limitée à l’ambiance de l’école, mais étendue à la société.

La liberté de l’enfant doit avoir comme limite l’intérêt collectif ; comme forme, ce que nous appelons l’éducation des manières et des actes. Nous devons donc proscrire à l’enfant tout ce qui peut nuire aux autres ou les offenser, tout ce qui a une signification d’impolitesse et d’acte sans dignité. Mais tout le reste, toute manifestation ayant un but utile, quelle qu’elle soit et expliquée sous n’importe quelle forme, doit être non seulement permise à l’enfant, mais observée par l’instituteur. Car c’est là l’essentiel. L’instituteur devrait non seulement acquérir la capacité, qui lui vient de la préparation scientifique, mais aussi les qualités d’observateur des phénomènes naturels. Dans notre système, il devra être un patient bien plus qu’un actif ; et sa patience sera formée d’une avide curiosité scientifique et d’un respect absolu pour le phénomène qu’il veut observer. Il faut que l’instituteur comprenne et sente sa position d’observateur : l’activité doit résider dans le phénomène.

Il convient d’appliquer ce principe dans l’école des petits, qui déploient les premières manifestations psychiques de leur vie. Nous ne pouvons pas connaître les conséquences d’un acte spontané étouffé lorsque l’enfant commence à agir : nous étouffons, peut-être, la vie même. L’humanité qui se révèle dans ses splendeurs intellectuelles, dès l’âge tendre et charmant de l’enfance, comme le soleil paraît à l’aube, et comme la fleur se manifeste à la première apparition des pétales, devrait être respectée avec une vénération religieuse ; et si un acte éducatif doit être efficace, ce sera celui qui tend à aider au complet déploiement de la vie.

Pour arriver à ce but, il est nécessaire d’éviter rigoureusement l’arrêt de tout mouvement spontané et l’imposition d’acte par la volonté d’autrui ; à moins qu’il ne s’agisse d’actions inutiles et dangereuses, car celles-ci doivent justement être étouffées et détruites.



Référence : Pédagogie scientifique - Editions Desclée de Brouwer