lundi 16 janvier 2012

La petite fille aux deux doudous

La théorie du genre qui revendique le droit de changer de sexe à volonté est au goût du jour. On la retrouve à la Une de l’information à sensations jusqu’aux manuels scolaires du lycée. Dans la foulée, on cherche à instituer le mariage homosexuel et à promouvoir l’homoparentalité.

De son côté, l’enfant, réduit à un simple objet de désir, n’a plus le droit d'être élevé par un père et une mère. Les deux rôles complémentaires de l’homme et de la femme, relégués à des temps reculés, ne sont plus considérés comme essentiels pour l’aider à construire son individualité. Dans notre recherche effrénée de plaisirs, notre désir de toute puissance, notre égoïsme exacerbé et notre aveuglement, nous ne percevons pas le trouble et le déséquilibre que nous engendrons ainsi chez l’enfant et, par voie de conséquence, dans la société.

J’ai eu l’occasion d’accueillir dans ma classe de maternelle la fille d’un couple de lesbiennes et de partager tout au long de l’année scolaire les prises de conscience de sa mère. Je vous livre ici cette histoire qui parle d'elle-même, mieux que toute théorie ou a priori idéologique.

Après avoir constaté sur la fiche de renseignement que les noms des représentants légaux de l’enfant, que je nommerai A., étaient deux noms de femmes, j’ai demandé à rencontrer celle qui accompagnait la fillette pour qu’elle m’expose la situation réelle de l’enfant, ainsi que son rôle et celui de sa compagne.

Avec un grand naturel, la mère biologique –celle qui avait porté l’enfant- me parla de son couple homosexuel, de leur désir commun d’avoir un enfant, de leur décision que l’une d’elle se fasse inséminer artificiellement à l’étranger avec donneur anonyme, et de sa volonté à elle de donner à l’autre le rôle du second conjoint. Donner à l’enfant deux mères à part entière leur semblait tout à fait possible.

A. avait deux ans et demi et, dans le contexte de la classe, j’eus tout le loisir de suivre son évolution parmi ses camarades. Pendant les premières semaines, je n’ai vu A. qu’emmurée en elle-même, n’établissant de contact avec personne, ne communiquant qu’avec deux doudous identiques dont elle était inséparable. L’amener à respecter la vie collective et à s’y intégrer fut une véritable gageure et je ne pus l’atteindre que par la médiation de ses deux doudous.

La première chose qu’elle me communiqua fut le nom du premier doudou : « mon chéri ». C’est en m’adressant à « mon chéri » que je pouvais lui transmettre ce que j’attendais d’elle. Elle refusait tout le reste. Deux doudous identiques, « mon chéri », un isolement psychologique notoire, pas besoin d’être fin psychologue pour voir et sentir le trouble de l'enfant et sa difficulté à construire sa personnalité.

Comme il se doit, j'ai informé la mère du comportement de sa fille à l’école. Elle y fut attentive, visiblement agacée par ces deux doudous derrière lesquels se cachait sa fille. Petit à petit, à travers le lien de confiance qui s’instaurait avec la mère, j’ai établi un contact avec A. qui commença à prendre sa place dans le collectif. Un jour que nous parlions avec tous les enfants des mamans et des papas, A. prit la parole et dit tout à trac : « Moi, je n’ai pas de papa. »

Afin de ne pas créer de distorsion avec ce qui était vécu à la maison et pour m’enquérir de la façon dont on lui avait présenté sa parenté, je transmis le propos de l’enfant à sa mère. D’une manière surprenante, cette dernière eut une réaction totalement incontrôlée : une brusque colère l’envahit aux mots de sa fille : « Je n’ai pas de papa » ; elle s’agenouilla devant l’enfant sans prendre garde aux allers et venues des autres parents à cette heure de sortie et se mit à l’invectiver avec une agressivité et un désespoir que je ne lui avais jamais connus :
- Tu n’as pas de papa… mais tu as ? Tu as ?… Tu as ?...
La gamine ne comprenait rien, elle restait muette.
- Eh ! bien, combien de fois on te l’a dit ?!... Tu as deux mamans !
Un conflit profond, intime, se révélait au grand jour. Tout n’était pas aussi évident que cela en avait l’air. Il fallait contraindre l’enfant pour que rien n’y paraisse. A partir de là, la mère tira par étapes les conclusions qui s’imposaient. Tout un processus de prise de conscience se déclencha en elle pour aboutir finalement à une profonde remise en question.

Foncièrement sincère et soucieuse du bien-être de son enfant, elle démina progressivement le terrain. Elle avait tout fait pour que sa compagne prenne en charge la moitié de la responsabilité sur l’enfant, elle s’était effacée au maximum, mais l’autre n’était pas arrivée à prendre cette place. Avec une grande honnêteté intellectuelle, elle constata que cela était tout simplement impossible. Puis, elle reconnut qu’un être naît de la fusion d’un gamète mâle et d’un gamète femelle et que par conséquent le père biologique –même s’il restait inconnu- existait bel et bien. Elle admit qu’en reniant la complémentarité psychologique entre l’homme et la femme, en amalgamant les rôles de père et de mère, on fausse la cohérence de la première cellule sociale que représente la famille.

Pendant tout ce temps, l’enfant allait de mieux en mieux comme tous les enfants dont on prend en compte les problèmes et qui sentent intuitivement que l’on travaille à leur résolution.

Dans le couple, par contre, cela allait mal depuis un moment et la situation se dégradait. La décision d’une séparation fut prise. La deuxième compagne, prise de panique, déposa une requête devant les tribunaux pour obtenir la garde de l’enfant… Des déchirements et des conflits pires que dans les plus douloureux divorces éclatèrent. La mère biologique y vit la confirmation évidente qu’on n’est pas « mère » simplement parce qu’on le décrète. Une mère ne peut pas vouloir arracher l’enfant à son contexte naturel et prendre des décisions qui lui nuiraient. La mère biologique quitta définitivement le domicile avec l’enfant, prête à refaire sa vie sur de nouvelles bases. L’année suivante, je reçus leur visite. A. s’était beaucoup épanouie et équilibrée, elle avait laissé ses doudous.

La question se pose de savoir pourquoi l’on cherche à forcer l’instauration d’une nouvelle norme en matière familiale. Pourquoi d’une vérité individuelle singulière –l’existence de l’homosexualité et du désir de transsexualité- veut-on faire une vérité universelle hors de laquelle l’hétérosexualité serait devenue une tare et les familles naturelles montrées du doigt ? Le mal n’est pas dans les phénomènes mais bien dans la façon de les imposer à tous sournoisement. Laisser libre –en matière de sexualité- est-il devenu obsolète ? Sous le prétexte de non-discrimination, non seulement on ne respecte plus les différences, on nie la réalité, mais encore on impose l’uniformisation du genre humain en promouvant l’homosexualité et la transsexualité. On ne marie plus l’homme et la femme en encourageant l’harmonie dans le couple, on crée des luttes de pouvoir entre les sexes que l’on cherche ensuite à exploiter.

Une institutrice