lundi 15 décembre 2014

Ces fausses valeurs qui destructurent le tissu social...

L’intellectualité, les diplômes, l’argent. Voilà tout ce que promeut la société dans laquelle nous vivons. Le développement intellectuel engage dans la course aux diplômes, les diplômes ouvrent la porte à la lutte pour les meilleurs salaires. Fi des goûts naturels et des qualités humaines, tout le monde est un arriviste à sa manière. Tout est trivial, on est content de soi si l’on a la capacité d’être dans la course, on est insatisfait si l’on n’y parvient pas.

Dans la réalité du quotidien, cette échelle de valeur qui ignore la dignité intrinsèque à toute responsabilité humaine, finit par avoir des répercussions inquiétantes. Le travail manuel, les métiers du service, mal rémunérés, sont dépréciés à tel point que ceux qui les exercent méprisent souvent leurs tâches et tentent de les fuir par tous les moyens possibles. Observons quelques exemples concrets dans les écoles où les tout jeunes enfants sont accueillis.

Premier constat : pendant les récréations, qui accepte encore de surveiller les toilettes ? Personne. En maternelle, les petits de trois ans, ne sachant pas s’essuyer, renfilent leur culotte et restent malpropres jusqu’au soir. A l’heure de la sieste, ils pataugent pieds nus ou en chaussettes sur le sol souillé des toilettes. Qui couvre les enfants au dortoir une fois qu’ils sont couchés ? Le climatiseur réglé à fond fait l’affaire sans que quiconque ne songe à en changer régulièrement le filtre. Au lieu de créer une ambiance de calme pour favoriser l’endormissement, à quoi s’occupe-t-on ? A consulter son téléphone portable, à taper ses sms, à passer commande sur Internet. D’autre part, qui aère les pièces où l’on vit à trente toute la journée ? Qui veille à l’ordre et à la propreté des locaux, fait ramasser les papiers et suspendre les vestes aux porte-manteaux ? Plus personne.

Lorsque les soins aux petits sont coupés de la relation humaine dans laquelle ils s’inscrivent, ils perdent leur sens et sont indûment considérés comme dévalorisants. C’est un peu comme si l’on revenait à l’époque où l’on ignorait tout de l’importance de l’hygiène et de la propreté. Cela se fait sentir par des épidémies de gastro-entérite dès le mois de septembre, des grippes et des virus qui se développent jusqu’en mai, et des poux dont on ne sait plus comment se défaire et dont aucune classe, à aucun moment, n’est préservée.

Par ailleurs, la préparation d’une salle de classe avant l’arrivée des élèves, agissant sur l’ambiance et permettant aux enseignants une meilleure disponibilité, est perçue comme superflue. Les instits qui attendent des personnels de service, arrivés dans les locaux tôt le matin, qu’ils ouvrent les portes des classes, tirent les rideaux, allument l’éclairage, remettent en place tables et chaises, sont regardés comme des « assistés ». Bien sûr, les profs peuvent tout faire : ramasser les papiers, tirer les chasses d’eau, aérer les classes, ranger, nettoyer… et ils le font chaque fois que c’est nécessaire. Mais qui donc prépare et conduit la classe ? Peut-on tout faire en même temps et bien ? Enseigner vaut-il plus que de veiller à l’hygiène et au bien-être des enfants ? Les fausses valeurs intellectuelles et lucratives ont perverti les mentalités au point qu’il est convenable, par exemple, de demander à certains personnels de faire des photocopies mais pas d’étaler de la confiture sur des tartines pour préparer un goûter… le photocopieur semble avoir un rapport plus direct avec l’intellectualité valorisante que le pain du boulanger !

Tout cela n’est qu’illusion liée en grande partie à la somme d’argent que l’on gagne en grimpant sur la dite échelle sociale au fur et à mesure que l’on prouve que dans sa tête, il y en a beaucoup ! Ainsi, ce qu’on appelle l’école à double vitesse est combattu parce que l’on accorde moins d’importance à la filière professionnelle, qui ouvre pourtant à des métiers utiles et indispensables, qu’à la voie des longues études menant plus souvent à des impasses. L’intelligence concrète est-elle inférieure à l’intelligence abstraite ? L’agriculteur moins nécessaire que l’énarque ?

Et si l’on essayait de rémunérer tous les métiers à salaire égal ? Imaginons : l’agent d’entretien gagne autant que l’instit, l’instit gagne autant que l’inspecteur, l’inspecteur gagne autant que le recteur, le recteur que le ministre et le ministre autant que le Président de la République… Envierait-on encore la place des uns ou des autres ? Désirerions-nous faire autre chose que ce que nous aimons faire et qui correspond à nos réelles aptitudes et aspirations ? Nous ne chercherions plus à nous rendre important. La vraie satisfaction viendrait du fait de bien faire son travail dans le don de soi et l’attention portée à sa tâche et aux autres. On serait reconnu par ses compétences et ses qualités plutôt que par son compte en banque.

Au lieu d’exalter la dignité humaine, l’intellectualité finit par être avilissante. Elle nous fait croire que l’on se place au-dessus des contingences matérielles alors que l’on s’y enchaîne en se laissant envahir et déborder par elles. La course sur l’échelle des métiers nous place dans une compétition mortifère qui déstructure le tissu social. L’abandon des règles d’hygiène élémentaires nous ramène immanquablement aux maladies et aux épidémies. Quand l’éducation préservera la joie que procure au jeune enfant le fait d’être utile et de servir, le savoir et l’argent perdront leur attrait, et l’on choisira son métier en fonction de ses capacités et de ses aspirations. Les individus seront alors naturellement complémentaires dans une société unifiée.

Diane