jeudi 4 février 2016

Instrumentalisation politique de l’apprentissage de la lecture

Des méthodes dites progressistes, censées lutter contre les effets des inégalités sociales, les renforcent au contraire. C’est le constat édifiant établi par deux sociologues dans «Réapprendre à lire», un essai qui vient de paraître. Un enjeu qui dépasse la querelle entre anciens et modernes pédagogues.


Une interview de Cécile Daumas avec Anne-Claudine Oller et Sandrine Garcia

C’est une sévère critique des méthodes actuelles d’apprentissage de la lecture. Dans Réapprendre à lire, qui vient de paraître au Seuil, deux sociologues, Sandrine Garcia et Anne-Claudine Oller, démontrent que des méthodes dites progressistes, basées sur de nobles objectifs (autonomie du jeune lecteur, sens du texte, contenu littéraire) accentuent les clivages sociaux au lieu de les diminuer. A partir d’une enquête de terrain menée durant trois ans dans plusieurs écoles primaires, ces spécialistes en sciences de l’éducation proposent une manière plus égalitaire d’apprendre à lire, centrée notamment sur l’entraînement et la répétition en partie délaissés. Quand le réalisme reprend le dessus sur l’idéologie ?

Pourquoi des méthodes de lecture progressistes se montrent, selon vous, inégalitaires ?

Depuis la fin des années 70 jusqu’à maintenant, des convictions pédagogiques formulées par des experts ont été, dans le domaine de la lecture, transformées en dogmes : le déchiffrage est nocif pour les élèves, ils ne doivent pas lire à voix haute pour apprendre à lire mais doivent apprendre sur de «vrais textes», non sur des manuels avec une progression organisée pour l’apprentissage, etc. On n’en est plus là maintenant heureusement mais cela survit sous d’autres formes [...]


>> Lire la suite