mercredi 2 mars 2016

Prof de lettres, je ne suis pas étonnée par les suicides d'enseignants

Lidia P. Blanc est professeur de lettres dans un lycée de l'académie Aix-Marseille. Depuis sept ans, elle assure ses cours devant une centaine d'élèves différents chaque jour et a constaté une dégradation des conditions de travail. Elle raconte la pression de plus en plus importante qui pèse sur les enseignants au quotidien.


Par Lidia Popa

Le 21 octobre dernier, une enseignante de 48 ans s'est suicidée à Bethune. Et ces drames ne sont pas rares. Voici donc sept vérités qui me semblent bonnes à dire sur le métier d’enseignant en 2012 :

1. L’omerta ou presque
Les profs ne sont pas réellement soutenus par leur hiérarchie – qui aime beaucoup étouffer les affaires ou minimiser par exemple le climat de violences. Il faut savoir que les chefs d’établissement jouent leur mutation et leur promotion sur les "états de service" officiels qu’ils produisent eux-mêmes sur leur propre établissement auprès du rectorat. Et ce particulièrement depuis que le gouvernement Fillon, via le ministre Luc Chatel a lié mobilité des chefs d’établissement et contrats d’objectifs. En fait, la visibilité de leur enseignement, son image dans les médias, la publicité que connaissent les projets d’établissement dont ils se prévalent, ou sous lesquels ils apposent leur signature, tout cela a un impact sur leur carrière (mutations et primes), c’est un peu leur "carte de visite", leur CV. Et il faut que ce CV reste bien sûr le plus immaculé possible. Ils ont donc directement et personnellement tout intérêt à masquer les réalités si elles s’avèrent gênantes pour leur carrière. On comprend mieux pourquoi le premier réflexe devant les caméras c’est dire qu’il "n’y a pas de problème". L’omerta ou l’hyper-euphémisation ne constituent pas une fatalité mais sont encouragées par un système de promotion qui lie ainsi tranquillité et efficacité.

2. Les petits chefs et le harcèlement moral
Le harcèlement moral peut d’autant mieux prospérer au sein de l’Éducation nationale qu’aucune instance juridique spécifique ne garantit la protection salariale et morale de l’enseignant. Pour se protéger, contre le pouvoir abusif d’un chef par exemple, il a des pis-aller ou des palliatifs mais mineurs [...]


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