jeudi 1 février 2018

Nous ne sommes toujours pas programmés

Dans un précédent article, j’analysais les ressorts idéologiques et politiques qui conduisent aujourd’hui à une création exponentielle d’écoles privées hors contrat. J’écrivais « L’attrait actuel pour les neurosciences, dû à leur popularisation hors du domaine scientifique, donne un aspect pseudo-scientifique à cette volonté de laisser se développer les capacités “naturelles” des enfants. » C’est cet aspect qu’examine l’article ci-dessous.


Par Alain Chevarin

Dans l’abondante publication actuelle d’ouvrages et d’articles sur l’éducation, il est devenu difficile depuis quelques mois de trouver des orientations pédagogiques qui ne cherchent pas la caution des neurosciences, quelle que soit la spécialité à laquelle elles se réfèrent : neurosciences cognitives, neuropsychologie, neurobiologie, neurosciences affectives, ou un mélange de celles-ci.

Les exemples sont nombreux. Le plus médiatisé est celui de l’expérimentation lancée par Céline Alvarez en 2011. C’est par la mise en œuvre d’une pédagogie Montessori « simplifiée », de son propre aveu, mais appuyée sur les neurosciences que madame Alvarez entend « proposer un environnement de classe faisant l’effet d’une bombe pédagogique »1. Et il est clair que sans le patronage de professeur Stanislas Dehaene, l’affaire n’aurait pas eu le même retentissement. C’est dans ce sens que vont les annonces dithyrambiques des médias numériques : pour le site Philomag, « Elle a bousculé les conservatismes de l’Éducation nationale avant de connaître un immense succès avec “Les Lois naturelles de l’enfant”. Il est professeur au Collège de France et spécialiste du cerveau. Tous deux s’appuient sur la science pour refonder la pédagogie. »2

Une situation comparable se retrouve avec les multiples sites et associations qui se proposent de renouveler la pédagogie et les méthodes d’apprentissage, dans ou hors l’école. Quand, par exemple, l’association Parents Professeurs Ensemble lance un projet d’organisation de lectures d’histoires pour les enfants, dont le site des Colibris fait la publicité, elle éprouve le besoin de préciser3 : « les sciences cognitives nous ont récemment appris [sic] tous les bénéfices que les enfants tirent de la lecture d’histoires : acquisition de vocabulaire, familiarisation avec les structures de la langue... tout cela facilite l’apprentissage de la lecture », et de se placer sous le patronage « des chercheurs comme Alain Bentolila ou Stanislas Dehaene », négligeant au passage les différences d’approche entre le linguiste et le neuropsychologue [...]


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