mardi 1 septembre 2020

Blanquer transforme l’École de la République en succursale d’Uber

La contre-révolution Blanquer est en marche. L’objectif est de faire basculer l'école vers un système entrepreneurial et ubérisé, inégalitaire et territorialisé.


Par Francis Daspe

Celles et ceux qui estimaient que l’école, de par son supposé statut de fonction régalienne, était préservée d’un certain nombre de dérives doivent se rendre à l’évidence et amèrement déchanter. Avec cette majorité se voulant disruptive, une contre-révolution scolaire est bel et bien en marche. Le ministre Blanquer a résolu de la réaliser pleinement. Pour y parvenir, il a opté pour un modèle d’ubérisation de l’école. Plusieurs leviers sont manipulés à cet effet, afin de transformer l’École de la République en une vulgaire succursale éducative d’Uber.

Les racines de cette basse besogne se trouvaient déjà dans la vision managériale et autoritaire qui bousculait le service public d’éducation. Les méthodes déshumanisantes et autoritaires du New Public Management sont très largement utilisées, avec la brutalité qui va de pair. Pour les enseignants, il ne s’agit plus d’exercer leur métier mais de se contenter de se soumettre aux injonctions ministérielles. Les dispositions de la loi sur l’école de la confiance furent à cet égard une accélération significative, avec le prétendu devoir de réserve. Sans oublier l’enseignement à distance, testé grandeur nature en raison de la crise sanitaire, qui a vu la prolifération de l’utilisation de logiciels privateurs de liberté et capteurs de données privées.

L’école ubérisée se caractérise également par l’imposition de savoirs utilitaristes et minimalistes. Sous couvert de la nécessaire maîtrise des savoirs fondamentaux hélas trop souvent négligés et galvaudés, le ministre se rabat sur une vision purement rétrécie et rabougrie des savoirs, en les déconnectant des dimensions culturelles, scientifiques et artistiques. Au final, bien loin des objectifs de construction de l’individu et de son émancipation par l’acquisition de savoirs structurés et structurants.

Un autre aspect de cette dérive préoccupante se traduit par la prédominance accordée à la technique et à l’expertise dans l’acte pédagogique. Comme si celui-ci pouvait se réduire à un simple protocole… Le ministre Blanquer veut imposer ses conceptions personnelles à l’ensemble d’une profession, celles des neurosciences. Et ce sans un quelconque débat contradictoire, sans évaluer de façon indépendante ni la pertinence ni l’efficacité de ces politiques éducatives, en tournant le dos aux apports des sciences cognitives et des sciences de l’éducation pour ne privilégier que le seul pan de la recherche lié aux neurosciences. La marotte du Ministre est d’imposer une neuropédagogie désincarnée qui réduit drastiquement les fondements de la liberté pédagogique.

De ce parti-pris, découle la systématisation d’évaluations nationales. Au prétexte encore une fois de la crise sanitaire et des conséquences de la fermeture des écoles pendant la période de confinement, le ministre les impose pour l’ensemble des niveaux scolaires à la rentrée 2020. Les évaluations ont montré leur violence institutionnelle envers les élèves et les enseignants; pire, elles ont aussi démontré leur très mauvaise conception et leur profonde inutilité. Ces évaluations standardisées engendrent un biais parfaitement identifié maintenant: le “teaching to the test”, c’est-à-dire adapter son enseignement aux seules perspectives des prochains tests. La généralisation du contrôle continu pour l’obtention du bac va de surcroît aggraver la situation de “bachotage permanent” à tous les échelons du système éducatif [...]


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