mardi 1 septembre 2020

La salle de classe : salle de résonance ou espace numérique ?

Home-office est le nom de la nouvelle forme de fonctionnement, également dans les écoles. L’enseignement vit un coup de pouce numérique. L’euphorie est grande – au risque d’oublier que l’éducation est également un processus relationnel. Il est donc grand temps à une réflexion pédagogique.


Par Carl Bossard

La société du non-stop a bégayé et vacillé de manière inattendue, elle s’est même arrêtée à bien des égards. L’enseignement en face-à-face est au point mort. Les soi-disant «vacances du corona»sont à l’ordre du jour. Cependant, les quelque 1,3 millions d’écoliers suisses doivent continuer à apprendre leurs dossier presque comme s’ils se trouvaient à l’école – sans aller à l’école. Ils travaillent à domicile, surveillés et accompagnés par leurs professeurs – à travers les canaux numériques, par des textes d’information, des sujets par ou des messages push, via des sites web ou des applications entiers, par appel vidéo, parfois à l’aide de documents envoyés par la poste, parfois du bon vieux téléphone ou même lors de conversations individuelles à l’école.

L’apprentissage nécessite des relations positives

L’enseignement total à distance est un domaine encore inexploré. On dispose de peu d’expérience. En conséquence, il fonctionne différemment – ici de manière optimale, là parfois mieux, parfois moins bien et, des fois, pas du tout. «Beim Fernunterricht überzeugten nicht alle Lehrer» (Tous les enseignants ne sont pas convaincus par l’enseignement à distance), titre en gros la SonntagsZeitung (Journal du dimanche), non sans sous-entendu.

Cela aurait dû être pris au sérieux il y a longtemps, voilà les accusations actuelles contre l’école. Le développement numérique a tout simplement été trop lent, disent-ils; il prend maintenant sa revanche. C’est pourquoi le mot à la mode retentit avec force pour la numérisation intensifiée, voire radicale, de l’enseignement dans tout le pays. Mais cet appel impulsif à l’école numérique doit être contrecarré par une réflexion pédagogique. Il y a une bonne raison pour laquelle les enfants n’ont pas été abandonnés seuls depuis longtemps avec une sorte de logiciel éducatif parce qu’en un mot, nous sommes des personnes et parce que l’apprentissage exige des relations positives. L’école et l’enseignement sont à bien des égards un processus de résonance, une relation entre les personnes. L’éducation se déroule «dans des processus d’interaction dense (avec les personnes et les choses)», analyse le sociologue Hartmut Rosa.

L’homme n’est pas Robinson Crusoë

C’est donc une des constantes anthropologiques de base que l’homme a besoin d’une contrepartie pour se reconnaître. Martin Buber, pédagogue et philosophe de la religion, a condensé cette idée en une déclaration essentielle: «L’homme devient lui-même en vous».5 Par conséquent, cette contrepartie ne doit pas manquer; même le meilleur programme numérique ne peut remplacer le vis-à-vis humain. C’est ce que l’on peut également constater en ces jours de Corona avec l’enseignement à distance. D’innombrables enfants regrettent la compagnie de leurs camarades de classe et de leur professeur; à l’inverse, de nombreux éducateurs recherchent un contact direct et personnel avec leurs élèves. L’homme n’est pas une figure à la Kaspar Hauser, et très peu d’entre eux conviennent au Robinson Crusoë moderne. Laissés à eux-mêmes, ils se perdent dans un monde sans soutien et sans orientation. Les gens ont besoin d’un «vous» pour pouvoir se développer [...]


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