jeudi 13 novembre 2008

Pour une école démocratique et citoyenne

Je suis enseignante en CM2. Je suis extrêmement vigilante à ce que les élèves de ma classe ne deviennent pas des moutons, ne soient pas des enfants que l'on gave... Je considère ma classe non pas comme un groupe d'élèves mais comme une société démocratique avec ses droits et ses devoirs.
Je ne me considère pas uniquement comme un transmetteur de savoir mais aussi comme une éducatrice. Malheureusement, éduquer pour beaucoup signifie seulement apprendre à dire "bonjour", "merci".
Selon moi, éduquer dans une classe, c'est apprendre aux élèves à vivre en collectivité, à coopérer, à respecter les autres, leur parole, leurs différences, à devenir eux-mêmes...
Je crois qu'effectivement on leur communique parfois des idées, des valeurs différentes de celles de la maison, de la société... Je m'interroge parfois sur mon action : est-ce que je suis un guide ou est-ce que je transmets mes valeurs, est-ce que je les impose ? Finalement, je crois qu'il est bon aussi de faire partager d'autres valeurs, d'aller à l'encontre de ce que propose la société. On est dans un monde où l’on expulse des gens, où l’on est en compétition permanente, où il faut écraser le voisin pour réussir, où tout va vite... Je n'ai pas peur ni honte de parler de racisme, de leur demander de coopérer, de s'entraider, de prendre le temps..., d'aller donc à l'encontre de la société.
Il est vrai qu'il faut faire le deuil de tout modifier, de tout transformer mais je sais que même si certains de mes élèves vivent dans un milieu où les valeurs, les discours sont opposés à ce que je pense et dis, ils auront entendu autre chose et ils pourront peut-être un jour faire un choix, se positionner...
Jaurès disait: "on n'enseigne pas ce que l'on sait, mais on enseigne ce que l'on est." Je crois très fort à cela.
En ce qui concerne les outils plus concrets :

* je pose le cadre en premier lieu. Je travaille donc la loi, le règlement intérieur de l'école ; nous construisons le règlement de la classe en termes de droit et de devoir. Ce cadre est pour moi essentiel car il est garant de la sécurité, du respect... Ce cadre vit tout au long de l'année. Je reprends par le débat les entorses au règlement. Je suis persuadée que ce n'est pas en répétant des maximes que l'on intègre les notions de Loi, de droit et de devoir mais en vivant la démocratie. Vivre la démocratie pour des élèves, c'est être dans une classe où l’on peut faire des choix, où l'on a des devoirs mais aussi des droits. On en vient donc au deuxième impératif qui pour moi est la parole :

* Les élèves ont le droit de s'exprimer, de proposer des projets, de participer à la vie de la classe, de faire des choix, de ne pas être d'accord. Il y a dans la classe du non négociable (venir ou pas à l'école, ne pas respecter les autres...) mais aussi du négociable. Cela passe par des conseils d'élèves une fois par semaine, par des débats philosophiques, par la pédagogie de la coopération, par la pédagogie institutionnelle.

Je participe à de nombreux projets qui me permettent d'éduquer les élèves et de leur permettre de devenir des citoyens éclairés (du moins je l'espère) : venue de personnes handicapées dans la classe, semaine de la presse et éducation à l'image, participation à un conseil municipal des enfants... Je saisis toutes ces occasions.
Je suis donc à l'encontre de ce que proposent les nouveaux programmes mais je l'assume et je le revendique. Je me moque de ne pas satisfaire la société (et au contraire, je n'ai pas à le faire selon moi, vu l'état de la société actuelle qui laisse des milliers de gens au bord du chemin). Quant aux parents avec lesquels je communique beaucoup par le biais de rencontres, de mots explicatifs de mes projets... ils acceptent une telle pédagogie.
J'ai souhaité donner mon point de vue car il me paraît essentiel de lutter pour conserver une école de qualité. J'ai livré mes idées un peu en vrac comme elles me venaient: j'espère que je suis malgré tout claire et lisible. J'ai tenté de donner quelques outils concrets mais il est difficile de tout dire en un message.
Je revendique le fait de faire dans ma classe ce que certains appellent du "pédagogisme" et je me reconnais aussi dans le travaux de Meirieu mais aussi Oury, Freinet... qui ne peuvent que se retourner dans leurs tombes.

Béatrice