dimanche 4 septembre 2016

A propos de la volonté et de l’obéissance…

Par Maria Montessori

Les préoccupations majeures à propos de la formation du caractère sont celles qui concernent la volonté et l’obéissance ; généralement on vise à réfréner la volonté de l’enfant, en lui substituant la volonté de la maîtresse et en exigeant de lui l’obéissance. Ces questions sont très confuses et il faut les mettre au clair. Les études de biologie ont établi que la volonté de l’homme fait partie du pouvoir universel appelé Hormé, lequel n’est pas une force du monde physique mais une énergie cosmique de la vie sur le chemin de l’évolution. L’évolution a ses lois, elle est loin de se produire par hasard ou au petit bonheur. En tant qu’expression de cette force, la volonté de l’homme doit modeler son comportement ; elle devient partiellement consciente chez l’enfant aussitôt qu’il a une activité quelconque à mener à bien, donc seulement à travers l’expérience. En étant naturel, il obéit à la loi.

C’est une erreur de croire que les actions volontaires des enfants sont désordonnées et parfois violentes ; le désordre et la violence ne sont pas des expressions de la volonté de l’enfant, car elles ne relèvent pas du domaine de l’Hormé. C’est comme si nous prenions les contorsions de quelqu’un en pleine crise de convulsions pour des actes dictés par sa volonté. Si l’on considère que tous les mouvements désordonnés chez l’enfant ou chez l’homme sont le fait de la volonté, on a tout naturellement le sentiment qu’il faut freiner ou briser cette volonté pour le rendre obéissant.

Un grand éducateur a dit : « L’essence de l’éducation peut tenir dans un seul mot : obéissance. » La logique humaine voudrait nous faire croire qu’en rendant un enfant obéissant on peut lui enseigner toutes les vertus et conclusion obligatoire, il sera vertueux ! Mais d’après ces principes, il semblerait que le vice fondamental des enfants soit la « désobéissance » et le problème est loin d’être résolu.

Heureusement, le problème n’est pas insoluble ! La volonté de l’homme ne s’exprime ni par le désordre ni par la violence, qui sont la marque de souffrance, de violation ! Mais tandis qu’on brise la volonté en un instant, son développement requiert un long processus, parce qu’il est croissance et dépend de l’aide fournie par son environnement.

On peut comparer le long processus de développement de la volonté au filage d’un fil ; le fil de la volonté se développe par l’activité dans un champ d’action qui va toujours s’élargissant et devient ainsi de plus en plus solide. En associant ces activités à un but central, comme mettre le couvert ou servir à table, on peut diriger continuellement la volonté des enfants vers le même but ; il en résulte une société par cohésion des volontés plus qu’une société par cohésion des sympathies. L’affectif n’est pas le plus important ici mais c’est la volonté qui est la force de cohésion et comme tous désirent –ou veulent- la même chose, il en résulte une société au comportement calme, merveilleuse à regarder. Mais auparavant il faut que la volonté ait été développée en chaque enfant.


Source : « Éduquer le potentiel humain » Ed Desclée de Brouwer - 2016