mercredi 1 février 2017

Des enfants sans défense

Ambivalence et duplicité de la politique dans le traitement de la criminalité exercée sur les enfants


Par Manfred Paulus (Commissaire divisionnaire retraité, Allemagne)

Je souhaite à présent attirer votre attention sur un sujet particulier, un groupe très spécifique de la population, dont il faut défendre les droits à l’autodétermination, à la justice et à la paix. Il existe un groupe de personnes qui ne peuvent y accéder de leur propre fait, ce sont nos enfants. Nos enfants ne peuvent décider par eux-mêmes de leur destin, ils ne peuvent ni faire respecter ni conquérir leurs droits et ce sont souvent d’autres personnes qui décident si la paix règne dans la chambre d’enfants. Je souhaiterais simplement que, par vos efforts à tous, par votre pensée et votre action, ce groupe dont je vais parler y soit inclus.

Les enfants, des victimes – quelques chiffres

Nous n’avons pas inscrit les droits de l’enfant dans la Loi fondamentale allemande, l’Etat de droit de la République fédérale ne mentionne pas les enfants dans sa constitution. Nous nous appuyons dans ce domaine sur la Convention des Nations-Unies relative aux droits de l’enfant, nous avons naturellement ancré les droits de l’homme dans notre Loi fondamentale. Les enfants sont aussi des personnes, donc les droits de l’homme sont valables aussi pour les enfants, les enfants ne sont pas seulement des êtres humains en devenir.
Afin d’illustrer le problème dont je voudrais vous entretenir, j’aimerais jeter avec vous un coup d’œil sur la situation en République fédérale d’Allemagne en 2015. J’aimerais vous présenter quelques chiffres qui pourraient stimuler cette réflexion: en 2015 en Allemagne, 130 enfants ont été victimes d’homicide et 52, de tentatives de meurtre; cette situation relève de meurtres, d’homicides involontaires et d’homicides par négligence. La même année, on a relevé en Allemagne 3900 cas de sévices physiques qui ont été reportés officiellement. Chaque semaine, il y a eu 270 délits d’abus sexuel sur des enfants, soit 38 par jour. On a constaté 68 cas d’asservissement d’enfants dans un but d’exploitation sexuelle, en tout 77 victimes, et 6560 sites de pornographie enfantine ont été saisis par la police judiciaire en 2015 en Allemagne.

«L’essentiel réside dans la zone d’ombre»

La même année, Mesdames et Messieurs, 85 000 mineurs non accompagnés sont parvenus en Europe occidentale. Début 2016, 4749 enfants étaient portés disparus en Allemagne auprès de l’Office fédéral de la police criminelle BKA (entre temps, 10 000 enfants ont disparu). Là, il s’agit tout simplement d’un phénomène comme nous n’en avons plus connu en Allemagne depuis la fin de la guerre, et qui jusqu’à maintenant ne s’était jamais produit en République fédérale d’Allemagne: 4749 enfants disparus. Encore s’agit-il là d’enfants enregistrés, nous n’abordons ici absolument pas la question des chiffres noirs, ceux qui concernent les enfants entrés sur le territoire sans avoir été enregistrés. A tous ces chiffres, il faut encore ajouter un considérable chiffre noir des disparitions. Et encore, tous ces chiffres proviennent du décompte officiel, extrêmement restreint par rapport aux énormes chiffres noirs, occultes. Je crois que mes collègues en Allemagne seront d’accord avec moi sur ce point. Il est certain que nous ne sommes pas au courant de tous les délits d’homicide concernant les enfants, et que nous ne savons absolument rien des sévices physiques. Il ne s’agit là que d’une infime partie portée à la connaissance des autorités. L’essentiel réside dans la zone d’ombre. Les criminologues estiment qu’en Allemagne, concernant les abus sexuels sur les enfants, il existe une zone de criminalité cachée («zone d’ombre») de l’ordre de 1/30. C’est-à-dire que sur 30 crimes ou délits sexuels commis sur des enfants, un seul parvient à la connaissance des autorités. Nous avons donc affaire à une énorme «zone d’ombre» que nous semblons accepter durablement. Si nous partons de ce ratio de 1/30 nous ne sommes plus confrontés à un chiffre journalier de 38 crimes commis à l’encontre de mineurs, mais bien à plus de mille chaque jour.
La traite des enfants est en grande partie constituée dans une zone d’ombre, et ce qui, Mesdames et Messieurs, concerne les 6560 sites de pornographie enfantine, peut être en toute conscience multiplié par cent. La partie découverte est donc infime […] 


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