Les
enfants ont de l’imagination, c’est un fait bien connu. Cependant, débridée,
sans ancrage intérieur, elle n’est qu’égarement de l’esprit et il est vite
nécessaire d’en stopper le flot errant et fatiguant. Les fruits de
l’imagination ne sont vraiment porteurs de sens que s’ils naissent du silence. Quand
le silence est appréhendé comme une présence merveilleuse qui contient tout, à
travers des exercices tels que la leçon
de silence (1) de Maria Montessori, la créativité trouve un axe à
partir duquel se développer.
Certaines
images ou petites histoires inspirées jouent le rôle de révélateur de la vie
psychique de l’enfant et peuvent l’aider à ramener à la surface les problèmes
psychologiques qui le travaillent inconsciemment. Les images-symboles, qui
émergent et évoluent avec le temps, peuvent renseigner les adultes
accompagnateurs sur les difficultés vécues et apporter des éléments de
compréhension pour régler des situations de déséquilibre, devenues
intelligibles.
Je
prendrai, en illustration, le parcours « intérieur » de Victor, élève
de 4 ans que j’ai eu dans ma classe. Les progrès de son comportement ont suivi
en parallèle l’évolution de son imagination créatrice.
Voici,
sur une période de six mois, ce qu’il a exprimé après des pauses de silence
partagé dans la classe :
Octobre :
-
J’ai senti un dinosaure et un tigre qui se battaient.
J’avais un arc et des flèches.
Novembre :
-
J’ai vu un tyrannosaure qui se battait. Il y avait
une tête de mort qui est arrivée. Les dinosaures sont partis. Je voulais les
suivre et mon soleil, il a dit non.
-
Dans mon cœur, on dirait qu’il y a des bêtes féroces
qui se battent.
-
J’ai senti un indien et un cowboy, ils se battaient.
Mon soleil et mon éclair ont dit non.
Décembre :
-
Il y avait encore des petits monstres, mais ils ont
décidé de ne pas se battre.
-
Maintenant, j’obéis à mon cœur et à mon soleil.
-
Quand j’étais en vacances, je dormais dans la
voiture, j’ai rêvé de Professeur Hibou (2).
-
Dans le chemin, j’étais avec une voiture de course.
Un léopard est passé, je l’ai suivi. Après il y avait un lion. Je suis allé
dans la voiture de course et j’ai roulé sur le chemin. Après, les petits
monstres suivaient les traces de la voiture.
-
J’ai senti que, dans ma lumière, il y avait des
pièces d’or et aussi un trésor. Je voulais pas ma lumière. Le cœur, il m’a dit
oui ; mon éclair y est allé et des gens m’ont empêché d’y aller. Quand les
gens n’étaient plus là, j’ai pris toutes les lumières, je les ai mises dans ma
voiture de course et j’ai retrouvé mes amis.
-
J’étais dans une forêt, il y avait des milliers
d’arbres. Il y avait une toute petite fleur. Un homme est venu et a écrasé la
fleur. C’était la fleur de mon cœur. Après, elle a repoussé.
(1) La leçon de
silence inspirée de Maria Montessori :
Je
m’assois sur le bord d’une chaise, le dos droit, les pieds posés sur le sol
légèrement écartés, les mains posées sur les genoux, je ferme les yeux. Je dis
à mes pieds de ne pas bouger, je dis à mes mains de ne pas bouger, je dis à mon
ventre de se gonfler doucement, je dis à ma bouche de rester fermée, je dis à
mon nez de ne pas souffler fort. Je respire doucement. Je descends dans mon
cœur et j’écoute le silence.
(2) La leçon de Professeur Hibou :
Une
histoire pour apprendre à écouter son cœur et être sage. Les
ateliers de la plume-Editions.