lundi 4 août 2008

Réaction à la réponse de l'Élysée

Monsieur le Président,

C’est avec stupéfaction que les membres du Réseau Informel de Réflexion sur l’Education ont pris connaissance de la réponse de votre Conseiller, monsieur Jean-Baptiste de Froment, à notre lettre ouverte au ministre de l’Education nationale rédigée suite à votre « Lettre aux éducateurs ».

En tant que citoyens responsables, nous refusons d’être traités en « demeurés », nous refusons que notre dignité soit bafouée par la mise en doute de notre sincérité ! Cette réaction est une insulte au travail collectif de réflexion d’une cinquantaine de personnes… qui, face à un monde en perdition, se préoccupent du sort de la jeunesse.

Si la « Lettre aux éducateurs » comportait déjà de nombreuses contradictions entre la tradition humaniste française et ce qui nous incombe désormais : « relever le défi de l’économie de la connaissance » (p. 7), la mise en œuvre, depuis, de la réforme éducative ne peut nous tromper !

On cherche à nous imposer un nouvel ordre éducatif mondial. L’économie européenne doit « devenir l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde… » (Rapport de la Commission européenne au Sommet de Lisbonne – mars 2000). La politique mondiale est claire : « L’éducation doit être considérée comme un service rendu au monde économique » annonce Peter Sutherland de l’OMC.

Les principes humanistes prônés dans la « Lettre aux éducateurs » : « Trop longtemps, la passivité de l’enfant qui reçoit le savoir fut de mise dans notre éducation (…). La culture véritable exige davantage que la récitation (…). Notre éducation doit devenir moins passive, moins mécanique. » (p. 20), ces principes sont complètement bafoués par la baisse des niveaux d’exigence, la diminution horaire des cours, la pédagogie de la docilité, de l’apprentissage par cœur et par automatisme qui caractérisent les nouveaux programmes de l’école primaire.

Les enquêtes internationales PIRLS et PISA avaient pourtant révélé que le décrochage des élèves français par rapport aux autres élèves des pays industrialisés ne tenait pas à leur capacité à apprendre par cœur ou à la somme des connaissances acquises, mais à leur incapacité à réfléchir sur ces connaissances et à être autonomes.

Mais comment s’étonner du manque d’esprit critique et d’autonomie de nos jeunes dès lors que l’on considère, à l’instar de votre Conseiller, la liberté comme « un accomplissement, fruit d’un long travail » !?

A-t-on perdu la raison ? En 2008, ne naissons-nous plus « libres et égaux en dignité et en droits » ? Comment pourrait-on enseigner la liberté ? La liberté est à la personnalité et à la conscience ce que l’air que l’on respire est au corps. Apprend-on pendant de longues années à respirer ? La liberté intrinsèque de l’homme serait-elle un danger pour le dogme néo-libéral au point que l’on tente, par tous les moyens, de l’assimiler à la soumission idéologique en arguant qu’il n’y aurait pas d’autre alternative ?

« Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité ». Article premier de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Est-ce un hasard si cette Déclaration fondamentale a été éliminée des programmes d’instruction civique de l’école primaire dans le nouveau projet… pour être ensuite réintégrée sous la pression des syndicats ?

La liberté ne s’apprend pas, elle se respecte ! Elle n’est ni un idéal, paravent commode pour donner l’illusion d’une liberté tout en promouvant son contraire, ni un concept philosophique sujet à controverses et polémiques mais une dimension intérieure de la conscience individuelle, une référence commune à tous. C’est dans la liberté que l’enfant trouve et développe son autonomie, découvre le sens des responsabilités et par là même, apprend la citoyenneté. L’éducation à la citoyenneté, nécessaire pour retrouver la cohésion sociale, dépasse bien entendu le simple respect des règles de politesse ainsi que le savoir dispensé dans les cours d’instruction civique.

L’idée qu’ « apprendre à lire, écrire et compter serait bien suffisant, est pour moi l’une des plus grandes marques du mépris » déclariez-vous, monsieur le Président, à la page 18 de la « Lettre aux éducateurs »… C’est pourquoi nous vous prions avec instance de prendre vous-même connaissance de notre Lettre ouverte au ministre de l’Education nationale (jointe à ce courrier) afin d’ouvrir un véritable dialogue !

Veuillez recevoir, monsieur le Président, l’expression de nos salutations respectueuses.